Le retour du Hirak était acté depuis quelques semaines. Il n’y avait pas de doute que les Algériens allaient sortir encore ce vendredi 9 avril, 112e journée de mobilisation depuis le début du mouvement populaire le 22 février 2019 et septième après la reprise des manifestations à la même date de l’année en cours.
La question était de savoir si la mobilisation sera plus ou moins forte que le week-end précédent. La réponse est venue des rues d’Oran, Tizi-Ouzou, Bejaïa, Annaba, Constantine, Jijel et d’autres villes.
Elle est surtout venue du centre d’Alger. Des marches ont eu lieu dans de nombreuses villes du pays et celle de la capitale particulièrement a connu une mobilisation grandiose.
Les habitués, qui ont maintenant suffisamment de repères pour juger, estiment unanimement que la manifestation de ce vendredi dans les rues du centre d’Alger est imposante.
Toutes les rues et places du centre-ville, point de ralliement habituel des manifestants, étaient noires de monde au milieu de l’après-midi. La déferlante qui vient de Bab El Oued via la rue Asselah-Hocine est encore une fois impressionnante.
L’image est devenue un enjeu
Comme la semaine passée, la police a fait en sorte que la déferlante qui vient de l’ouest d’Alger ne soit pas filmée à partir de la rampe Ben Boulaïd, occupée par une interminable file de camions bleus.
Pas de prises de vue aériennes ni à partir d’endroits surélevés, l’image est devenue un enjeu dans le bras de fer entre les autorités et le Hirak. Faute de pouvoir influer sensiblement la mobilisation par les multiples mesures dissuasives, on tente de réduire sa visibilité. En dépit de tout, les gens sont nombreux dans la rue, même encore plus nombreux chaque vendredi.
Ce ne sont peut-être pas les millions de manifestants qui arpentaient les rues il y a deux ans, mais dans les conditions actuelles, c’est une autre prouesse pour le Hirak populaire de maintenir une mobilisation respectable.
Comme chaque vendredi, l’accès à la capitale est rendu difficile par une foule de barrages, le centre-ville est complètement quadrillé, des arrestations sont signalées.
Dans la semaine, l’actualité est dominée par la reprise des placements en détention provisoire et l’affaire du jeune mineur de 15 ans.
Pendant deux ans, le mouvement a fait face à des épreuves plus dures, mais les événements de la semaine avaient fait naitre des appréhensions légitimes.
Le rejet des législatives réitéré
Samedi, des tentatives de marche à Alger-centre et à Bab El Oued ont été empêchées par les forces de l’ordre qui ont procédé à plusieurs arrestations. C’était la première fois depuis plusieurs semaines que les manifestants interpellés n’ont pas été relâchés le soir même.
Placés en garde à vue, 24 manifestants ont été présentés dimanche lundi devant les tribunaux de Bab El Oued et de Sidi M’hamed. Tous ont été placés sous mandat de dépôt.
Les prisons, vidées des détenus d’opinion en février sur décision des hautes autorités, se remettent à se remplir. C’est le choc parmi les hirakistes. En fin de semaine, ce sont cinq activistes connus du Hirak qui font l’objet de la même mesure judiciaire. Mohamed Tadjadit, Malik Riahi, Tarek Debaghi, Soheib Debaghi et Noureddine Khimoud sont poursuivis de chefs d’inculpation relevant du tribunal criminel, allant de l’association de malfaiteurs à la détention de stupéfiants.
Après de la marche empêchée de samedi, ils avaient filmé et diffusé une vidéo d’un mineur qui accusait la police de l’avoir maltraité. On ne sait pas si l’affaire est pour quelque chose dans la forte mobilisation, mais on retient que les manifestants de ce vendredi ne perdent pas de vue que les cinq détenus sont avant tout des hirakistes.
Du moins dans la manifestation d’Alger, leur portraits, particulièrement celui de Mohamed Tadjadit, sont fortement brandis sur des pancartes, des banderoles et des tee-shirts. Le jeune Saïd Chetouane, dans le témoignage vidéo à l’origine de toute histoire, n’a pas été oublié dans les slogans et pancartes des manifestants.
Le soutien au jeune de 15 ans, à Tadjadit et ses compagnons ainsi qu’aux 24 manifestants incarcérés en début de semaine et tous les détenus d’opinion n’a néanmoins pas éclipsé le thème central des manifestations de ce vendredi et des week-ends précédents : le rejet des élections législatives du 12 juin prochain, une des dernières étapes de la feuille de route que le pouvoir s’attèle à parachever unilatéralement.