C’est un vendredi particulier que l’Algérie s’apprête à vivre. Cette semaine un militant des droits de l’homme, Kamel Eddine Fekhar, est mort à l’hôpital de Blida juste après son transfert en urgence du pavillon carcéral de l’hôpital de Ghardaïa.
Feu Fekhar avait entamé au lendemain de soin arrestation, le 31 mars dernier, une grève de la faim éprouvante qui a eu raison de sa santé qui se dégradait au fil des jours. Sa mort a soulevé une vague d’émotion et d’indignation au sein de l’opinion, de la classe politique mais aussi des organisations et des militants pour les droits de l’Homme. Beaucoup d’appels sont lancés sur les réseaux sociaux pour observer une minute de silence à sa mémoire lors des manifestations.
« Ce vendredi sera marqué par la mort du militant Kamel Eddine Fekhar. Son décès a créé une rage au sein de la population. Les marches de ce vendredi seront l’occasion de dire plus jamais ça ! On ne doit plus mourir pour ses idées et ses positions politiques en Algérie. Les gens vont répondre spontanément comme ils ont l’habitude de réagir aux événements qui se passent durant la semaine. Ce vendredi, je pense qu’il y aura une très grande mobilisation. Ça va être grandiose », explique Meziane Meriane, militant syndicaliste.
« L’ombre de Fekhar marquera sans conteste les marches de ce vendredi. La mort de Kamel Eddine est un événement tragique et révoltant », dénonce, pour sa part, Saïd Salhi vice-président de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH). Salhi s’attend à ce que le peuple qui manifestera par millions honore la mémoire de cet infatigable défenseur des droits de l’homme. Et au-delà l’occasion sera aussi pour les marcheurs de réclamer justice et réparation. « Ce n’est pas normal qu’une personne meure comme ça sans que personne ne soit inquiété ni au niveau local à Ghardaïa ni au niveau national. Car il y a tout de même une responsabilité morale. C’est aussi une question d’éthique. Les responsables doivent apprendre à remettre leur démission automatiquement », estime le vice-président de la LADDH.
La réponse de la rue à l’offre de dialogue
Ce 15e vendredi du mouvement citoyen intervient aussi au lendemain du discours du chef d’état-major appelant au dialogue. Même s’il se dit favorable au principe du dialogue, Meziane Meriane appelle le pouvoir à clarifier certaines zones d’ombre à l’origine de la méfiance affichée par les citoyens.
Cette méfiance affichée à l’égard de tout dialogue a une explication, selon le coordinateur du Snapest. « Sur le principe je suis pour le dialogue. Cependant la peur du dialogue a pour origine le flou qui l’entoure. Serait-ce un dialogue bilatéral entre d’une part les partis politiques, les syndicats et les associations et d’autre part le pouvoir central ? Ou bien cela va être un dialogue collectif et là ça va être une conférence ? S’il s’agit d’une conférence, il va falloir défricher le terrain en faisant connaître les objectifs de cette conférence et les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs tracés », expose le syndicaliste qui estime que c’est en faisant ce travail que les uns et les autres « pourront se positionner sans peur ».
« On aimerait qu’on nous explique les raisons de la peur d’une transition. Il ne faut pas rester dans le flou mais parler. Personne ne peut mettre en danger la nation. Il y a un manque de transparence dans cette proposition de dialogue. Il faut qu’on arrive à discuter entre nous pour sortir le pays de la crise », ajoute Meriane qui met en avant les acquis du mouvement du 22 février.
« Qui aurait cru qu’on pourrait arrêter le 5e mandat ? Qui aurait cru que des personnalités intouchables allaient finir en prison ? Mieux : qui aurait cru qu’on allait tendre une oreille attentive au peuple algérien qui a été marginalisé et éliminé de toute décision ? Tout cela est positif », se félicite le syndicaliste qui estime toutefois qu’il faudra mettre l’Algérie à l’abri de nouveaux échecs. « On ne doit plus chercher à avoir une idéologie partisane au détriment de l’Algérie. Nous avons connu des crises depuis 1962. Celles-ci ne doivent plus se reproduire dans la future Algérie. Il y a eu beaucoup d’acquis depuis le déclenchement du mouvement populaire le 22 février, mais je dis que beaucoup reste à faire pour mettre l’Algérie à l’abri des échecs ».
Les marcheurs de ce vendredi devront donner la réponse à l’offre de dialogue renouvelé par le chef d’état-major de l’Armée, selon Saïd Salhi. La nouveauté cette fois-ci réside en le fait que « la rue a pris acte de l’impossibilité de tenir les élections le 4 juillet, ce qui est une victoire qui s’ajoute aux acquis du mouvement », se félicite Salhi qui appréhende toutefois que le pouvoir ne soit encore tenté d’empêcher les marches notamment dans la capitale. Mais « personne ne peut aujourd’hui mettre en échec la volonté du peuple d’aller vers sa liberté », conclut Saïd Salhi.