Économie

2018, année de la planche à billets

2018 qui s’achève avait été programmée par le gouvernement comme une année de transition « soft » vers l’échéance présidentielle d’avril 2019. Pour parvenir à cet objectif, les pouvoirs publics ont mis en œuvre des moyens législatifs et économiques « exceptionnels » à travers notamment une relance massive des dépenses publiques et la mise en route de la « planche à billets ».

Ce scénario de relance de l’activité et des dépenses destiné à maintenir des transferts sociaux tous azimuts et empêcher une montée brutale du chômage a également été favorisé cette année par des cours pétroliers élevés.

C’est grâce à ces éléments que la « paix sociale » a été globalement préservée et on n’a pas assisté au cours de l’année écoulée à des mouvements de grève de grande ampleur susceptibles de menacer la stabilité gouvernementale.

Un scénario qui n’a pas pu empêcher néanmoins la persistance de déséquilibres macroéconomiques importants qui érodent les réserves de change et gonflent les déficits publics.

Dérapage de la planche à billets

À beaucoup d’égards, l’année 2018 aura été l’année de la planche à billets. On est maintenant à près de 5200 milliards de dinars en comptant l’annonce surprise par Mohamed Loukal, Gouverneur de la Banque d’Algérie, d’une nouvelle tranche de financement de près de 1200 milliards de dinars émise au mois de novembre. En un peu plus d’une année, c’est l’équivalent d’environ 45 milliards de dollars soit plus de 25 % du PIB qui ont été mis à la disposition du gouvernement par la Banque d’Algérie dans le but de combler des déficits publics qui s’accumulent.

Depuis le mois d’octobre dernier et l’évocation imprudente de la possible « fin prochaine » du recours au financement non conventionnel par le directeur général du Trésor, la Banque centrale a annoncé 2 tranches supplémentaires de financement d’un montant total de 1600 milliards de dinars.

Cette évolution est d’autant plus préoccupante que rien n’indique qu’elle doive se ralentir dans les mois à venir. La chute actuelle des prix du baril va réduire les ressources courantes de l’État. Elle va inciter le gouvernement, dans un contexte politique très agité, à poursuivre dans la même voie en continuant de minimiser les risques associés à cette démarche ainsi que le premier ministre, Ahmed Ouyahia, le fait depuis l’annonce de la mise en place de ce dispositif d’exception.

Une croissance molle

Grâce à ces importantes injections financières, le plan d’action du gouvernement Ouyahia visait, en plus du maintien de la paix sociale, une relance de l’activité économique avec un objectif très ambitieux de 4 % de croissance. Un pari qui n’a pu être gagné que partiellement.

Après le très fort ralentissement de l’économie enregistré en 2017 (à peine 1, 6 % de croissance l’année dernière) et en dépit d’une forte dose de dépenses publiques, la relance de l’activité n’a pas été au rendez-vous cette année. En tout cas, pas dans les proportions espérées par le gouvernement.

À la mi-octobre, la Banque mondiale annonçait pour 2018 une croissance de seulement de 2,5 %, un chiffre très inférieur aux 3,5 % encore prévu en avril dernier. Quelques jours plus tard, c’était au tour du FMI de revoir ses prévisions en baisse en annonçant lui aussi une croissance de 2,5 % pour l’année en cours.

Pas de dérapage inflationniste

Le rythme de l’inflation s’annonçait comme la grande inconnue de l’année écoulée. Si l’impact des augmentations de taxes et des restrictions à l’importation sur les tensions inflationnistes n’a pas été négligeable en 2018, il n’a pas suffi à provoquer un véritable emballement de la hausse des prix.

On peut souligner d’abord qu’un secteur qui pèse un poids considérable dans les dépenses des Algériens est resté à l’abri des augmentations de prix. Il s’agit des produits de première nécessité ainsi que des tarifs des services subventionnés

Si on en juge par les derniers chiffres rendus publics par la Banque d’Algérie, le rythme annuel de L’inflation a globalement reculé en 2018 et se situait à 4,53 % en octobre 2018.

Par catégories de biens, la décélération de l’inflation est attribuable, principalement, à celle des produits manufacturés dont le rythme annuel moyen d’augmentation des prix est passé d’un pic historique de 10,1 % en janvier 2017 à 5,1 % en septembre 2018 en raison de la forte baisse des prix du groupe « habillement et chaussures ».

Cependant, à partir de mai 2018, une légère reprise de l’inflation globale a été observée selon la Banque centrale. Elle est attribuable à la hausse des prix du groupe « alimentaire », essentiellement les produits agricoles frais.

Dinar officiel et parallèle : le grand écart

Autre facteur de réduction du risque inflationniste, la politique de stabilisation de la valeur officielle du dinar qui a permis d’éviter un emballement de l’« inflation importée ». Même si la promesse du ministre des Finances qui annonçait dans ce domaine un cours de 115 dinars pour un dollar tout au long de l’année 2018 n’a pas été tenue, la valeur officielle du dinar a été stabilisée autours de 118 dinars pour un dollar et de 135 dinars pour un euro en fin d’année.

Ces évolutions traduisent selon le commentaire récent de la Banque d’Algérie « des ajustements limités du cours de change du dinar par rapport à ces deux monnaies, en relation avec les évolutions de leurs cours sur les marchés internationaux, en contexte de relative amélioration de certains fondamentaux (meilleure tenue des prix du pétrole et, dans une moindre mesure, réduction du différentiel d’inflation) ».

La stabilisation de sa valeur officielle n’a pas empêché le dinar de continuer à plonger sur le marché parallèle ou il a atteint fin 2018 des niveaux proches de 215 dinars pour un euro. Le « différentiel » entre les deux taux, officiel et parallèle fait le grand écart et atteint désormais des niveaux records supérieurs à 50%.

Commerce extérieur : l’année des interdictions

L’année 2018 s’achève sur des performances mitigées en matière de commerce extérieur. Les importations resteront supérieures à 45 milliards de dollars mais le déficit commercial sera réduit fortement, à environ 4,5 milliards de dollars selon les douanes algériennes. Essentiellement grâce à une augmentation sensible des exportations pétrolières qui sont en hausse de près de 20 %.

En 2018 le gouvernement a brutalement changé son fusil d’épaule en renonçant à des licences d’importation inefficaces et ingérables sauf pour les véhicules. À la place, il a instauré une interdiction provisoire d’importation pour « 46 familles de produits et 851 positions tarifaires ».

Les produits concernés ont été principalement des produits alimentaires (chocolats, confitures, mayonnaise, fruits frais) mais aussi la céramique ou la robinetterie, des produits électroniques grand public ou encore les meubles et l’électroménager. Objectif : économiser environ 2 milliards de dollars sur la facture d’importation.

Le résultat n’a pas été atteint et pour 2019 on annonce désormais la suppression des listes de produits interdits et leur remplacement par une augmentation des taxes sur les produits concernés qui pourraient atteindre 200 %.

Réserves de change : la fonte continue

En dépit de la forte réduction du déficit commercial, l’érosion des réserves de change s’est poursuivie en 2018.

Dès la fin de l’été, la Banque d’Algérie annonçait que les réserves de change « se sont amenuisées en baissant à 88,6 milliards de dollars à fin juin 2018 contre 97,3 milliards de dollars à fin décembre 2017 ». Soit une perte de 8,7 milliards de dollars au premier semestre.

Voici quelques jours, c’est le chiffre de 82 milliards de dollars de réserves à fin novembre qui était annoncé par Mohamed Loukal. Un chiffre qui suggère fortement que le niveau des réserves devrait tester la barre des 80 milliards à la fin décembre.

La semaine dernière, le constat général du Gouverneur de la Banque d’Algérie devant les députés ne cherchait pas à masquer la situation : « des efforts supplémentaires d’ajustement sont nécessaires pour rétablir les équilibres macroéconomiques afin d’assurer la viabilité de la balance des paiements et de limiter l’érosion des réserves officielles de change à travers un vaste programme de réformes structurelles ».

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