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2019, l’année qui a changé l’Algérie

2019, l’année qui a changé l’Algérie

Tout commence le 9 février. Après des mois de tergiversations et de spéculations, le FLN officialise la candidature de Bouteflika à un cinquième mandat au cours d’un show organisé à la Coupole d’Alger.

Les partis de l’Alliance annoncent que « le moudjahid Abdelaziz Bouteflika sera notre candidat pour la présidentielle du 18 avril 2019, en signe de reconnaissance de ses choix éclairés et des acquis importants que l’Algérie a réalisés sous sa direction, et en soutien à son programme ambitieux de réformes et de développement pour une Algérie épanouie, unie, solide et réconciliée ».

Incrédules, les Algériens dont beaucoup avaient décrété qu’ils étaient gagnés par la lassitude et la résignation, se demandent comment un homme grabataire de 81 ans, n’apparaissant plus en public depuis de nombreuses années et ne s’exprimant plus, allait encore briguer un nouveau mandat. Ce 9 février, Bouteflika n’était pas présent à la Coupole, remplacé par le célèbre « cadre ».

Premières manifestations

Une semaine plus tard, et contre toute attente, des milliers de personnes sortent dans les rues à Kherrata, ville-symbole à l’est de Bejaia, pour exprimer leur rejet de ce mandat de trop. À Khenchela, quelques jours plus tard, c’est un portrait géant du président qui est arraché de la façade de la mairie par des citoyens en colère. Deux événements qui témoignaient assurément d’un basculement qui avaient gagné l’Algérie profonde.

Le 22 février, répondant à des appels sur les réseaux sociaux, des millions d’Algériens envahissent les rues de nombreuses wilayas du pays, dont Alger où les manifestations étaient interdites. Le pouvoir qui n’a pas encore pris la mesure et l’ampleur de la mobilisation maintenait sa « feuille de route ». Le 4 mars, Abdelkader Zaâlane dépose officiellement le dossier de candidature de Bouteflika alors que ses relais dont le secrétaire général par intérim du FLN tentaient maladroitement de défendre le « choix arrêté ». Mais la poursuite des manifestations allait pousser le pouvoir à revoir sa stratégie.

Le 11 mars, au lendemain d’un autre vendredi de mobilisation inédit, sans doute l’une des plus imposantes qu’ait connue l’Algérie, Abdelaziz Bouteflika dans un message qui lui a été attribué annonce le report de l’élection et l’organisation d’une conférence, avec la promesse de réformes profondes dont la Constitution et un changement de gouvernement.

C’était peu pour un mouvement qui visiblement voulait en découdre avec un système dont il réclame carrément le départ. Fin mars, le chef d’état-major de l’armée surprend tout son monde depuis Ouargla en appelant à l’application de l’article 102 de la Constitution.

Sous la pression de la rue et lâché par l’armée, Abdelaziz Bouteflika remet sa démission le 2 avril. Et c’est le début d’une grande saga politico-juridique. Alors que le mouvement poursuit sa mobilisation et que des catégories socio-professionnelles se mettent de la partie comme les juges et les avocats, des « têtes » commencent à tomber. Le frère de l’ex-président, les deux ex-responsables du renseignement, mais également des ministres, des hommes d’affaires sont mis aux arrêts. Mais la situation politique est bloquée.

Un été sous haute tension

Fixée pour le 4 juillet, en vertu des dispositions de la Constitution, l’élection présidentielle n’aura finalement pas lieu faute de candidats. Mais au lieu qu’il soit sacrifié, Abdelkader Bensalah dont le départ était réclamé par le « Hirak », tout comme celui de Bedoui, bénéficie d’une « fetwa » du Conseil constitutionnel prolongeant son exercice en qualité de chef d’État.

Alors que les initiatives pour une période de transition se multiplient, le pouvoir opte pour une nouvelle approche dans la gestion du « Hirak ». C’est ainsi que les voies d’accès à Alger sont fermées, les porteurs de l’emblème amazigh arrêtés alors que les médias sont verrouillés. Une vague d’arrestations qui touchera y compris des figures politiques, intellectuelles mais aussi le moudjahid Lakhdar Bouregâa.

Mais loin de se laisser décourager, les Algériens maintenaient la pression et réitéraient leur demande d’un changement radical tandis qu’une commission de dialogue pilotée par l’ancien président de l’APN Karim Younes est mise en place. Le corps électoral est convoqué pour le 12 décembre.

Dans la précipitation, la loi électorale est amendée et une instance d’organisation et de surveillance des élections est mise en place. À défaut de convaincre les citoyens, l’annonce de l’élection va plutôt galvaniser le mouvement dont la mobilisation atteindra un record historique le 1er novembre. La campagne électorale se déroule dans un contexte de tension. L’élection est maintenue et Abdelmadjid Tebboune est élu dès le premier tour.

Si 2020 s’annonce comme année décisive et tournant majeur dans l’histoire du pays, celle qui s’achève est assurément celle qui a vu basculer l’Algérie d’une ère marquée par la peur, la propagation de la corruption et la déchéance morale et politique, vers celle qui aspire à plus de liberté, de justice et de dignité.

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