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30e vendredi : l’ombre de Karim Tabbou

30e vendredi : l’ombre de Karim Tabbou

Le trentième acte de la révolution populaire coïncide avec un vendredi 13, mais loin de toute superstition, il risque d’être particulier pour des raisons plus rationnelles.

Il survient d’abord dans un contexte tendu, marqué par la détermination du pouvoir à imposer sa solution et le virage pris dans la gestion de la crise. La semaine a été en effet marquée par l’arrestation jusque-là impensable d’un homme politique, irréductible opposant au régime et acteur infatigable du hirak.

Ce vendredi sera l’une des rares journées de mobilisation que Karim Tabbou ratera depuis le 22 février. Mercredi, il a été interpellé à son domicile par des hommes en civil pour être incarcéré ce jeudi.

Des arrestations et des incarcérations, il y en a eu depuis le déclenchement du mouvement populaire, des porteurs du drapeau amazigh aux activistes sur les réseaux sociaux, en passant par le moudjahid Lakhdar Bouragâa. Mais c’est la première fois qu’un chef de parti politique est emprisonné pour ses déclarations publiques, Louisa Hanoune l’ayant été pour « complot contre l’autorité de l’armée et de l’État ».

À défaut de l’apaisement réclamé unanimement comme gage de transparence de la prochaine présidentielle, on assiste à un durcissement sans précédent de l’attitude du pouvoir, simultanément à une ferme résolution d’aller vers les urnes avant la fin de l’année, sans aucune mesure d’ouverture.

Une attitude si incohérente et incompréhensible que certains, comme l’économiste Smaïl Lalmas qui avait claqué la porte du panel de dialogue à cause précisément du recul du pouvoir sur son engagement à apaiser préalablement la situation, ne s’empêchent pas de s’interroger si l’objectif réel des autorités politiques n’est pas ailleurs que dans l’organisation d’une élection présidentielle.

Quoi qu’il en soit, les textes proposés par le panel de Karim Younès sont devant le Parlement et, signe de l’empressement général, la chambre haute a programmé une plénière pour ce vendredi pour discuter et sans doute adopter la nouvelle loi électorale et celle portant création de l’instance d’organisation des élections. Sauf grosse surprise, le corps électoral devrait être convoqué au début de la semaine prochaine, conformément à la « suggestion » du chef d’état-major de l’armée.

C’est indéniable : lors des vingt-huitième et vingt-neuvième actes, il y a eu dans les rues d’Alger et des autres grandes villes du pays plus de manifestants que lors des vendredis et mardis d’un été marqué par de fortes canicules et les animateurs du mouvement prédisent une mobilisation encore plus significative dans les semaines à venir.

L’enjeu est donc crucial en ce trentième vendredi qui se présente comme un autre sérieux test pour le hirak, appelé à retrouver sa vigueur des mois de mars et avril à un moment où de nouvelles contraintes sont venues s’ajouter à celles qui l’étreignent déjà, comme le blocage des accès à la capitale et le black-out médiatique.

Ces développements inattendus posent en outre aux manifestants un autre défi et non des moindres, celui de préserver l’unité de leurs rangs, de maintenir le caractère pacifique de la contestation et de ne pas céder à la tentation de l’escalade.

Enfin, on pourra mesurer à l’issue de ce trentième vendredi la portée des décisions annoncées dans la semaine, soit l’enclenchement de poursuites judiciaires à l’encontre des deux pontes du FLN Mohamed Djemai et Baha Eddine Tliba, ainsi que les mesures sociales à fort relent électoraliste prises par le gouvernement.

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