Politique

39e vendredi : l’ombre des détenus du Hirak

Plus qu’une semaine et le seuil psychologique de quarante vendredis consécutifs de marches populaire sera atteint. Le 22 février dernier, lorsque les Algériens étaient sortis dans la rue pour la première fois dire non au projet de cinquième mandat, sans doute que personne n’avait prédit une aussi inébranlable détermination de la rue à arracher le changement et une pareille obstination du pouvoir à imposer sa solution, donc une telle longévité pour le mouvement populaire.

Près de quarante semaines après, le peuple est toujours dans la rue et le régime n’a pas encore désespéré d’imposer une élection présidentielle dont la rue ne veut justement pas.

Le scrutin du 12 décembre approche à grands pas et devrait, sans nul doute, comme lors des dernières manifestations, être en bonne place de la thématique des marches de ce vendredi 39, survenant de surcroît deux jours avant le démarrage officiel de la campagne électorale, prévu ce dimanche 17 novembre.

Les premières tentatives des candidats de descendre dans la rue, les marches de soutien à la présidentielle et la programmation des procès des détenus d’opinion ont en quelque sorte donné un autre souffle au hirak populaire dont les actions ne sont plus confinées aux seules journées de vendredi et de mardi, mais s’étalent sur toute la semaine et se font de manière sporadique à travers tout le pays.

La semaine qui s’achève a été marquée par des contre-manifestations dans de nombreuses villes où étaient programmées des marches de soutien au scrutin, des rassemblements devant les sièges locaux de l’Autorité électorale et la tentative d’empêchement d’une sortie sur le terrain du candidat Abdelkader Bengrina, hué par la foule à Tindouf. Les autres postulants n’ont pas eu cette témérité et se sont contentés de conférences de presse et de passages sur les plateaux de télévision.

La campagne s’annonce tendue, à haut risques, d’autant qu’il n’y a pas de raisons objectives permettant d’entrevoir un affaiblissement du hirak d’ici le 12 décembre. Le mouvement gagne au contraire en ampleur à mesure qu’approche le scrutin, comme on l’a vu lors des marches du 1er novembre où la mobilisation, selon les avis unanimes, a au moins égalé celles des premières semaines du hirak.

L’autre objectif de ce vendredi 39 est justement de confirmer le retour en force de la mobilisation au moment où le compte à rebours pour la présidentielle est entamé, et en dépit de la répression qui, si elle épargne les marches hebdomadaires, ne s’estompe pas le reste de la semaine.

Ce jeudi, un autre activiste du hirak, un poète de la Casbah d’Alger, a été incarcéré et mardi dernier, près de trente détenus ont été condamnés par le tribunal de Sidi M’hamed à de la prison ferme pour avoir brandi le drapeau amazigh. Le verdict a produit une onde de choc qui n’a pas été atténuée par la relaxe prononcée le lendemain par le tribunal de Bab El Oued au profit de cinq jeunes poursuivis pour le même chef. Bien au contraire, cette dualité des jugements pour les mêmes faits a renforcé chez les manifestants et les activistes du hirak le sentiment d’une justice qui n’obéit pas qu’aux dispositions de la loi, du moins dans le traitement des dossiers liés aux événements politiques en cours.

Sur les réseaux sociaux, on a dénoncé une « justice à deux vitesse » ou encore un « tribunal d’exception », et sans doute que des slogans similaires seront entendus dans les rues d’Alger et des autres villes lors de ce premier vendredi qui fait suite à ces condamnations et relaxes.

À vrai dire, les détenus d’opinion n’ont jamais été oubliés par les manifestants et ce n’est pas maintenant que nombre d’entre eux ont écopé de peines de prison qu’ils le seront.

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