Politique

3e anniversaire du Hirak : Jil Jadid dresse un bilan accablant

Les Algériens vont commémorer mardi 22 février le troisième anniversaire du Hirak populaire qui a mis fin à 20 ans de règne du président Abdelaziz Bouteflika.

Le mouvement citoyen Hirak avait aussi pour ambition un changement radical du système de gouvernance. Stoppé à cause de la pandémie du Covid-19 avant de s’essouffler, que reste-t-il du Hirak ?

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Le parti Jil Jadid qui a réuni, vendredi dernier son Conseil politique, tire un bilan accablant de ces trois dernières années. Le seul satisfecit que le parti de Soufiane Djilali en tire c’est le fait que les oligarques qui ont accompagné le long règne de Bouteflika sont aujourd’hui en prison, pour la plupart d’entre eux.

« Malgré les intentions de bonne volonté déclarées au plus haut niveau de l’Etat, et à part l’élimination partielle des commanditaires d’une mafiocratie prédatrice et vorace qui s’était imposée à l’Etat (ce qui est déjà, d’une importance capitale !), le changement qualitatif tant espéré tarde à se manifester concrètement », a déploré Jil Jadid dans un communiqué publié ce lundi 21 février.

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Dès lors, poursuit-il, « le sentiment partagé par l’ensemble des patriotes est qu’aujourd’hui le pays navigue tant bien que mal, sans destin défini ni enthousiasme novateur ».

Pour Jil Jadid, la « reconfiguration du régime en faveur d’une ouverture démocratique et une relance économique » voulue par les Algériens a fait long feu.

« Avec la contestation populaire du 5ème mandat de l’ex Président de la République et la chute concomitante de son régime, les Algériens espéraient un changement significatif de la classe politique et une reconfiguration du régime en faveur d’une ouverture démocratique et une relance économique salutaire », fait-il observer.

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Le parti de Sofiane Djilali ne manque pas de décocher quelques flèches à l’encontre de certains acteurs du Hirak leur reprochant de s’être radicalisés, sans les nommer.

« La radicalisation de quelques acteurs politiques dont certains, à l’évidence, se sont inscrits, par vengeance, par idéologie ou par emballement pseudo révolutionnaire, dans une dangereuse stratégie de refonte de l’Etat algérien, a fourni au pouvoir tous les arguments pour imposer le statu quo ante », cingle le parti de Djilali Soufiane.

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Jil Jadid constate que le «désarroi général de l’opinion publique, sa méfiance légitime envers une classe politique défaillante et une confusion médiatique savamment entretenue, ont neutralisé l’engagement citoyen et permis aux anciens appareils et réseaux d’intérêts nationaux et locaux de s’imposer dans des scrutins pourtant voulus honnêtes ».

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Pour Jil Jadid « la force de l’inertie a eu gain de cause face à la volonté du changement », ajoutant que cet état de fait est accentué par des assemblées élues, en particulier l’APN « inexistantes » et qui «n’embrayent pas, jusqu’à présent, sur les préoccupations des citoyens ».

 

«Les réactions défensives de l’Etat ne sont cependant pas toujours appropriées »

 

Le contexte économique et social marqué par une inflation galopante et une détérioration du pouvoir d’achat des Algériens, a fait l’objet de l’analyse du parti Soufiane Djilali qui estime que l’inflation, le chômage, l’appauvrissement et la détérioration de la qualité de la vie « démoralisent les Algériens qui lorgnent dorénavant un avenir au-delà de nos frontières ».

Non sans pointer « les hésitations du gouvernement », ses « décisions intempestives et incompréhensibles » et un « manque flagrant » de communication qui « n’ont pas permis une franche adhésion populaire dont l’Algérie a un grand besoin alors que des forces, à l’évidence mercenaires et anti patriotes, ne cessent de remettre en cause la cohésion nationale ».

Selon le parti de Soufiane Djilali, les « réactions défensives de l’Etat ne sont cependant pas toujours appropriées », citant entre autres exemples la fermeture « inexpliquée » du champ médiatique, l’inaccessibilité de sites d’information, les « limites du système régnant » dans le secteur des médias publics et privés, l’absence de débats politiques, la « frilosité extrême du traitement de l’information ».

Autant d’agissements qui ont fini par étouffer « la capacité nationale à clarifier les enjeux, à insuffler de l’espoir, à créer de l’innovation et à mobiliser les consciences », a-t-il regretté.

« Le contrôle sécuritaire et administratif de l’information prend de plus en plus une allure d’arbitraire créant l’illusion de sa maîtrise alors que toute la société est branchée sur l’espace extérieur, dont une bonne partie est exposée sans défense face à toutes les manipulations et reste démunie de toute référence endogène crédible », a fait remarquer Jil Jadid estimant que la gestion « exclusivement sécuritaire de la crise que traverse la société algérienne ne peut être une solution de long terme ».

 

« La répression ne peut combler l’absence d’une action politique de qualité »

 

Le parti Jil Jadid juge que « si la répression des dérives est une arme légitime, elle reste cependant largement insuffisante et ne peut combler l’absence d’une action politique de qualité ».

Pour Jil Jadid, l’emprisonnement « systématique et préventif » des activistes « dont une bonne partie est certainement loin d’être un danger public malgré des dérapages avérés, rajoute à une défiance populaire due en bonne partie à l’absence d’une communication claire concernant les dossiers des détenus ».

Alors qu’elle est rendue au nom du peuple, dixit Jil Jadid, « la justice ne semble pas toujours préoccupée par ce que peuvent penser les Algériens sur les raisons des peines infligées qu’elle prononce, quelquefois trop lourdes au vu de l’accusation officielle. Pourtant, normalement le premier allié de l’Etat ne peut être que le citoyen informé et averti des faits ».

Or, « le pouvoir semble penser le contraire, et le réflexe instinctif de protection, de contrôle et de sécurité fait obstacle à l’ouverture salutaire, à la compétence intègre et à l’innovation vivifiante dans le corps de l’Etat », déplore le parti.

Si le « panorama général » de la situation du pays paraît peu encourageant, il reste, d’après Jil Jadid, quelques progrès «palpables qui ont pu être opérés dans certains secteurs dont le repositionnement du pays sur l’échiquier international».

Jil Jadid salue le retour en première ligne de la diplomatie algérienne « après une politique étrangère désastreuse qui a duré une vingtaine d’années (sous le règne de l’ex président Bouteflika) ».

Le parti de Sofiane Djilali se félicite que l’Algérie « retrouve peu à peu une visibilité et une influence qui traduisent une souveraineté retrouvée ».

 A noter que le 2ème Congrès ordinaire de Jil Jadid est prévu à la fin du premier semestre 2022. La Commission nationale préparatoire dudit Congrès aura pour tâche de proposer au Conseil national la date, le lieu et l’organisation, précise le communiqué du parti.

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