Cela devait constituer un véritable test pour le mouvement populaire au lendemain de la prestation du président élu Abdelmadjid Tebboune.
Au final, le « Hirak » a tenu toutes ses promesses. À moins d’un changement radical à la mesure de ses espérances, rien ne semble l’ébranler, ni le contraindre à la résignation et au renoncement.
Il l’a de nouveau prouvé ce 44e vendredi, une semaine après l’appel au dialogue lancé par Tebboune.
Des milliers d’Algériens sont de nouveau sortis en masse dans la rue pour exprimer leur désaveu de l’élection du nouveau locataire d’El Mouradia, mais également le rejet de son offre de dialogue.
Malgré le tapage médiatique autour du scrutin, la polémique autour de la représentation du « Hirak » et du dialogue, le mouvement a montré qu’il n’est prêt à céder sur l’essentiel : la rupture avec l’ordre ancien.
Comme dans de nombreuses wilayas, dont Oran, sous les feux de la rampe après la répression qui a marqué la marche de vendredi dernier, Alger a fait le plein ce vendredi.
Dès le milieu de matinée, des groupes de manifestants, encadrés par la police, dont le dispositif est toujours aussi imposant au centre-ville, se sont formés au niveau de la rue « Victor Hugo ».
« Ya Hna, Ya Ntouma (ou c’est nous, ou c’est vous) », criaient-t-ils, comme pour donner le « La » à la nouvelle mobilisation.
Non loin du cinéma l’ «Algéria », des artistes observent une minute de silence en hommage au réalisateur Chérif Aggoune, décédé à Paris.
Au fil des minutes, des manifestants affluaient et la foule grossissait devant le regard impassible des policiers. C’est alors que la marche s’ébranle en direction de la « Grande poste ». « Oh, ya el issaba, el intikhabat zawrouha , raiss machi charii, elle massira nkemlouha (Oh, bande, l’élection a été truquée, le président est illégitime, la mobilisation se poursuivra », scandaient les manifestants dont le nombre progressait de plus en plus.
Comme souvent, il aura fallu attendre la fin de la prière hebdomadaire pour voir déferler des masses humaines en provenance des quartiers de Bab El Oued, Belcourt, Telemly et El Harrach pour rejoindre les autres manifestants qui ont déjà envahi la rue « Didouche », très vite devenue noire de monde.
Contexte oblige, l’essentiel des slogans brandis et des chants repris en chœur portaient sur le nouveau président et sur le dialogue. « La hiwar, la chiwar errahil obligatoire (ni dialogue, ni consultations, le départ obligatoire), « dawla madania machi askaria », scandaient, en chœur et à tue-tête des milliers de voix.
Signe de la défiance, cette pancarte sur laquelle on pouvait lire : « Vous ne pouvez pas avorter notre révolution » et « on ne négocie pas avec le Hirak, ses revendications sont claires, et n’attendent qu’à être exécutées ».
D’autres slogans, devenus classiques, ont été encore repris comme pour signifier la détermination du mouvement à aller jusqu’au bout. « Hna Wled Amirouche, marche arrière manwelouch (enfants d’Amirouche, nous ne reculerons pas ».
La Kabylie et Oran ont eu également leur part d’hommage. « Oran, bravo aâlikoum, el dzair teftakher bikoum, Oran, l’Algérie est fier de vous ». Tous comme les détenus : « Libérez les détenus, ils n’ont pas vendu la cocaïne ».
Certains manifestants n’ont pas oublié aussi le défunt Hocine Ait Ahmed, disparu il y a quatre ans, dont le portrait à son effigie est appuyé par une de ses célèbres citations : « Le dialogue du pouvoir, c’est similaire à celui du renard qui veut discuter avec sa queue ».
Si Alger a fait le plein, confirmant ainsi l’avant-goût donné par les étudiants mardi dernier, d’autres villes du pays ont connu également d’imposantes manifestations, à l’image de Constantine, Bouira, Annaba, Jijel, Bejaia, Setif, Tizi-Ouzou ou encore Chlef, si l’on se fie aux vidéos relayées sur les réseaux sociaux.
Cette nouvelle démonstration de force du mouvement, au-delà de sa détermination à poursuivre le bras de fer et à faire aboutir ses revendications, consacre une nouvelle donne : à moins de révisions déchirantes et de mesures très audacieuses, le nouveau pouvoir aura du mal à restaurer la confiance dont il a grandement besoin, non seulement pour conférer une légitimité à sa démarche, mais aussi pour affronter les défis économiques en vue. Assurément, la mission de Tebboune s’annonce ardue.