Dans moins d’une semaine, le mouvement populaire bouclera son onzième mois. Une longévité que personne ne soupçonnait lorsque les Algériens étaient descendus dans la rue le 22 février 2019 pour empêcher le président Bouteflika de briguer un cinquième mandat à la tête de l’Etat.
Ce 17 janvier, les Algériens devraient sortir dans la rue pour le quarante-huitième vendredi de suite, le cinquième depuis l’élection de Abdelmadjid Tebboune. Comme on a pu le constater ces cinq dernières semaines, la venue d’un nouveau président de la République et la fermeture, du moins officiellement, de la parenthèse de la transition ouverte avec le départ de Bouteflika, n’ont pas impacté considérablement le hirak populaire.
Celui-ci a maintenu la mobilisation les vendredis et mardis et n’a pas perdu de vue une seule de ses revendications initiales, dont la principale, qui est le changement radical du système politique en place.
Les manifestants continuent donc à marcher et ne font qu’adapter leurs slogans en fonction des développements politiques de la semaine, organisant une sorte de référendum à ciel ouvert sur les annonces et décisions du pouvoir ou les initiatives venant des acteurs de l’opposition ou même du hirak.
La semaine qui s’achève est marquée par une certaine platitude sur le plan politique. Le président Tebboune a poursuivi ses consultations avec les personnalités nationales, dont certaines sont réputées proches du hirak, et ordonné la promulgation d’une loi criminalisant les propos haineux et racistes.
Les autorités ont aussitôt joint l’acte à la parole en mettant fin aux fonctions du directeur de la culture de la wilaya de M’sila, puis en engageant des poursuites judiciaires à son encontre. Le fonctionnaire a été placé en détention pour avoir traité de traître Abane Ramdane, un héros de la guerre de Libération.
Les manifestants devraient saisir l’opportunité de ce 48e vendredi pour réagir à l’événement et à la nouvelle attitude des autorités vis-à-vis des dérives racistes et régionalistes qui ont proliféré ces derniers mois notamment sur les réseaux sociaux. Les activistes du mouvement populaire en avaient été en effet la première cible. Aussi, le moudjahid dénigré a une place particulière auprès du hirak qui l’a célébré à l’occasion de l’anniversaire de son assassinat qui a coïncidé avec le 45e vendredi, le 27 décembre dernier.
On saura aussi, au nombre de manifestants qui la brandiront, à quel point est partagée au sein du hirak la feuille de route politique vue lors de la marche des étudiants mardi dernier.
La marche de ce vendredi, comme les précédentes, sera également l’occasion de larges débats, cette fois sur ces consultations menées par le pouvoir avec des personnalités que les manifestants voyaient, il n’y a pas longtemps, comme les plus aptes à gérer la période de transition réclamée.
La question du dialogue avec le pouvoir a toujours divisé et le hirak et la classe politique, même si personne ne s’est dit foncièrement contre une telle démarche. Unanimement, des mesures d’apaisement sont réclamées et exigées comme préalable à tout processus de règlement de la crise.
Or, l’attitude des autorités sur la question est pour le moins déroutante. Le 2 janvier, près de 80 détenus d’opinion, dont le moudjahid Lakhdar Bouregaâ et le général à la retraite Hocine Benhadid, avaient été libérés, suivis de nombreux autres pendant ces deux dernières semaines.
Mais parallèlement aux libérations, de nouvelles interpellations sont signalées et, surtout, d’autres figures du mouvement populaire sont maintenues en détention. De même que sont maintenus le dispositif qui bloque les accès à la capitale les jours de marche et les multiples entraves à la liberté des médias et l’action politique. Il ne serait de ce fait pas étonnant si l’apaisement du climat général, à commencer par la libération des manifestants et activistes encore détenus, se retrouve de nouveau en bonne place sur les pancartes de ce quarante-huitième acte.
Pour le hirak, il s’agit de maintenir la pression pour amener le pouvoir à entamer de véritables réformes, libérer les détenus d’opinion et lever les restrictions sur le champ politique et médiatique.