À trois semaines de la célébration de son premier anniversaire, le Hirak, l’inédit mouvement populaire qui secoue le pays ne faiblit toujours pas. Même confronté à divers aléas, dont les arrestations, il fait preuve d’une grande détermination et d’une véritable maturité.
Plus que jamais, il est attaché visiblement à faire aboutir ce qu’il ne cesse de réclamer depuis bientôt une année : le changement radical du système, comme on a pu le voir de nouveau ce 46e vendredi à travers plusieurs wilayas du pays.
À Alger, les vendredis se suivent et se ressemblent. Malgré l’impressionnant dispositif sécuritaire, les intimidations dès l’apparition des premiers groupes de manifestants, notamment à la rue Khelifa Boukhalfa, et quelques arrestations, la mobilisation était au rendez-vous. Comme les vendredis précédents, les principales avenues, Didouche Mourad, la rue Hassiba ou encore Asselah Hocine, itinéraire empruntée par la déferlante humaine en provenance des quartiers populaires de la Casbah et Bab El Oued, ont été prises d’assaut par des milliers de personnes dès la fin de la prière.
Il faut dire que les multiples arrestations opérées particulièrement à la rue Didouche lors des manifestations précédentes semblent avoir dissuadé certains à se hasarder à se regrouper avant l’arrivée des flux depuis les quartiers populaires.
Et comme il fallait s’y attendre, la part belle des slogans et des chants a été réservée à la dénonciation de l’exploitation du gaz de schiste que le président de la République a jugé « nécessaire » devant les responsables des médias qu’il a reçus mercredi au siège de la présidence de la République.
« Makanch le pétrole, makanch sakhri, qoulou l França dirou fi Paris (Pas de pétrole, pas de gaz de schiste, dites à la France de l’exploiter à Paris », « Tebboune machi charaii, makanch el gaz sakhri », (Tabboune n’est pas légitime, pas de gaz de shiste) ou encore « La Hiwar, la Hadra, djabouna raiss iheb ibiaa essehra » (Ni dialogue, ni concertation, ils nous ont ramenés un président qui veut vendre le Sahara », ont longuement scandés les manifestants.
Sur certaines pancartes, nombreuses, on pouvait aussi lire : « le gaz de schiste danger pour les Algériens », « non au gaz de schiste » ou encore « gaz de schiste, désastre total », avec le soulignement en rouge de « total », en référence au groupe énergétique français.
Pour le reste des slogans, les manifestants ont réitéré leur exigence de la Libération des détenus d’opinion, particulièrement Karim Tabbou, Fodil Boumala et l’étudiante Nour El Houda Oggadi, auxquels ils n’ont pas manqué de rendre hommage et dont les portraits à leur effigie étaient omniprésents. Tout comme la revendication d’un « État civil et non militaire », d’«une justice indépendante » ou encore de la liberté de la presse.
Et à ceux qui spéculent sur la fin du mouvement, la rengaine n’est pas omise : « Oh ya Ali, ouladek mahoumch habssine, â al houria maawline » (Ali (la pointe, ndlr), tes descendants sont déterminés à arracher la liberté) et « goulna el issaba trouh, ya hnaya ya ntouma » (On a dit que la bande doit partir, ou c’est vous ou c’est nous ».
Des marches ont eu lieu également à Bejaia, Setif, Bouira, Annaba, Guelma, Tlemcen, Jijel, Bordj Bou Arreridj, Tizi Ouzou, Médéa, Chlef, Mila, El Bayed, Mostaganem, Oran, El Oued… À Tiaret où les marches ont été interdites depuis le 12 décembre dernier, la manifestation a eu lieu, selon un journaliste local. Mais pas à Sidi Bel Abbes, ce qui contraint certains manifestants à se rendre à Oran et à Tlemcen d’où ils ont dénoncé la répression, d’après la même source.