Propagation du nouveau variant du coronavirus Omicron, hausse des hospitalisations, décès parmi le personnel soignant, Dr Lyes Merabet, président du Syndicat des praticiens de la santé publique (SNPSP) fait le point sur le rebond de l’épidémie de covid en Algérie. Entretien.
L’Algérie enregistre actuellement une recrudescence des cas de contamination au covid. Des services hospitaliers commencent à être saturés. Quelle est la situation dans les hôpitaux du pays ?
La situation n’est pas uniforme à travers le pays. Elle diffère d’un hôpital à un autre.
Le problème est que nous n’avons pas les moyens de vérifier s’il n’ y a réellement plus de places dans certains hôpitaux, ou bien si nous sommes dans une situation, comme avait dénoncé le ministre de la santé (Pr Abderrahmane Benbouzid) lui-même, où certains services et certains responsables font de la résistance, ne respectent pas les instructions et refusent d’appliquer le plan d’action pour mettre à disposition des lits de réanimation.
Ces deux dernières semaines, de manière générale, nous avons de plus en plus de difficultés, particulièrement à Alger et à Blida, à trouver des places pour hospitaliser des malades.
Faut-il s’inquiéter ?
Actuellement, nous ne sommes pas au pic de l’épidémie. Nous sommes juste au début de cette nouvelle vague et nous avons déjà des problèmes pour trouver des places dans un service d’hospitalisation, et surtout, dans les unités de réanimation qui affichent complets alors que nous sommes à peine au début de cette nouvelle vague.
Y a-t-il un lien entre cette hausse des hospitalisations et la propagation de l’Omicron ?
Nous ne savons pas. Nous sommes en train de tâtonner. En tant que praticiens médicaux, nous n’avons ni la possibilité, ni les moyens de faire un séquençage pour chaque malade. Or, seul le séquençage du génome du virus isolé nous permettrait de le savoir.
D’un point de vue pratique, ce n’est pas évident de le faire. En Algérie, il n’y a que l’Institut Pasteur qui a les moyens de le faire. Même à l’étranger, on ne le fait pas de façon systématique.
Mais il est clair que l’Omicron circule actuellement sur le territoire national. Cela va encore s’étendre étant donné que la contagiosité de l’Omicron est supérieure à celle des précédents variants.
Mais une chose est rassurante, même si ce n’est pas encore définitivement admis, il semblerait qu’il y ait moins d’atteintes au niveau des poumons, ce qui donne plus un tableau d’un syndrome grippal avec une angine, une pharyngite ou une trachéide.
Le Delta reste, pour l’heure, le variant dominant en Algérie, pensez-vous que cette tendance va s’inverser rapidement ?
Oui, comme cela a été le cas dans plusieurs pays. Le directeur de l’Institut Pasteur d’Algérie a anticipé sur cette situation, et a lui-même déclaré que d’ici la fin du mois de janvier, le variant Omicron prendra le dessus par rapport à l’étendu de la contamination.
En première ligne dans la lutte contre le covid, les soignants continuent de payer un lourd tribut. Hier encore, une jeune résidente en neurochirurgie a succombé au coronavirus à Bejaia. Depuis le début de la pandémie, combien de médecins ont succombé à ce virus ?
Avant tout, je tiens à réitérer mon appel à la vaccination, et à rappeler l’importance de la troisième dose du vaccin, particulièrement pour les soignants et ce afin de booster leur immunité.
Il est inconcevable que le personnel de santé exerce sans moyens de protection. Il faut des moyens de protection en quantité, et des protections spécifiques pour chaque geste : les personnes qui travaillent en réanimation ont besoin de moyens spécifiques.
Idem pour ceux qui travaillent en salle de consultation, en radiologie, au niveau des laboratoires. Le personnel de santé a besoin d’exercer avec le maximum de protection. Il faut, aussi, une organisation des soins qui permet de dégager un circuit de prise en charge différencié pour casser la chaîne de transmission dans le personnel de la santé.
Il faut protéger le personnel soignant, casser la chaîne de transmission en organisant l’offre de soin et de prise en charge convenablement, et mettre en place un suivi médical et psychologique au profit du personnel de la santé.
À notre niveau, au syndicat (SNPSP), pendant des semaines, la liste des cas de décès a stagné. Mais depuis un mois, les chiffres repartent à la hausse. À ce jour, nous comptabilisons malheureusement 442 cas de décès suite aux complications du covid chez les professionnels de santé, tous corps confondus. Mais en réalité, le nombre doit être au-dessus de ce chiffre. Dans certaines situations, nous n’avons pas pu confirmer qu’il y avait un lien de causalité avec la pandémie.