« Celui qui a dit que le Hirak est mort a menti ». Ce commentaire d’un manifestant, habitué à participer à toutes les marches à Alger depuis le début du mouvement en février 2019, résume par certains aspects l’appréciation de la mobilisation en ce 50e vendredi du Hirak.
À mesure qu’approche la date anniversaire du début de l’insurrection citoyenne, la mobilisation gagne en ampleur dans de nombreuses villes du pays, particulièrement à Alger où le hirak est plus que jamais debout.
En dépit d’un renforcement du dispositif policier, des tentatives d’intimidation dans la matinée, les citoyens engagés dans ce qui s’apparente à un bras de fer inscrit dans la durée avec le pouvoir n’ont pas manqué le rendez-vous pour réitérer leur revendication principale, loin d’être aboutie à leurs yeux : le changement radical du régime.
Drapeaux à la main, portrait des détenus d’opinion, à l’instar de Karim Tabbou, de héros de la révolution, banderoles ou slogans transcrits sur des pancartes, les citoyens, probablement galvanisés par les spéculations sur la fin du hirak, mais aussi les réponses jugées mitigées du pouvoir, donnant l’impression d’être sourd à leurs revendications, ont envahi par milliers les principales artères d’Alger, dès le début de l’après-midi, pour signifier de nouveau qu’ils ne sont pas disposés à renoncer à leur combat.
« Yetnahaw gue3 », « chaâb yourid el istiklal » (le peuple veut l’indépendance) ont longuement scandé les manifestants. Il y a aussi les slogans consacrés comme « dawla madania machi askaria », « qolna el issaba trouh (la bande doit partir », « le peuple veut l’indépendance », « une justice indépendante », la « libération des détenus d’opinion », ou encore la libération du champ politique et médiatique.
Plus que jamais abhorrée, la presse, particulièrement les chaînes TV qui persistent dans le déni en observant un black-out sur le mouvement, a été fortement brocardée par les manifestants.
« Ya essahafa ya al madhlouline, ntouma sbabna ya echiyatine », « journalistes indignes, lèche-bottes, vous êtes la cause de nos malheurs ».
Mais pas toute la presse puisque des journalistes ayant tenu un sit-in devant le cinéma l’Algeria, à la rue Didouche Mourad, pour réclamer la libération d’un des leurs incarcérés, Sofiane Merrakchi, ont eu le soutien des manifestants.
« Les Algériens sont sortis pour un changement radical, pas pour celui des figures ; ils poursuivent les marches dans toutes les wilayas. Les revendications ne sont pas encore toutes satisfaites. On a vu une présence fort nombreuse aujourd’hui (…) », a déclaré aux médias, le sociologue, Nacer Djabi, présent à la marche en compagnie de l’épouse de Karim Tabbou, « une traduction de la détermination de la femme dans ce hirak », dit-il, non sans exprimer son souhait de la libération du coordinateur de l’UDS qui « n’a fait qu’exprimer son point de vue de citoyen », selon lui.
Comme Djabi, d’autres figures à l’image de l’héroïne de la guerre de Libération, Djamila Bouhired, ou encore Me Mustapha Bouchachi ou de Mohcine Bellabes étaient également présentes.
« Rien n’a changé, le pouvoir refuse de répondre aux revendications du peuple algérien », constate amèrement Me Mustapha Bouchachi. Le sociologue Nacer Djabi, partage ce constat, en estimant que les Algériens continuent à sortir parce que justement leurs revendications n’ont pas été satisfaites.
Actualité oblige, des manifestants ont brandi des slogans hostiles contre le « plan du siècle de Trump » pour la Palestine ainsi que des drapeaux palestiniens.
Les manifestants répondent au « deal du siecle » avec des affiches anti-Trump, des slogans pro-Palestine, des drapeaux palestiniens et des Keffieh. #Alger #Algerie pic.twitter.com/1fTdU9w6tT
— Zahra Rahmouni (@ZahraaRhm) January 31, 2020
« La libération de la Palestine passe par la libération d’Alger, Baghdad et le Caire », notait une banderole. Reste que même si globalement, la manifestation s’est déroulée dans le calme, des arrestations ont été opérées à la fin de la marche, selon le CNLD, tandis que des manifestants ont été chargés par des policiers.
Des arrestations similaires ont également eu lieu dans certaines villes de l’intérieur, comme à Tiaret et Mascara. Fait notable, cependant, œuvre sans doute des réseaux sociaux : les mêmes chants et les mêmes slogans sont reproduits dans toutes les villes ou y a eu des manifestations, une trentaine. À Ouargla, on a réitéré aussi le refus de l’exploitation du gaz de schiste, comme à Timimoun !