ENTRETIEN. Abdelwahab Fersaoui est président de l’association RAJ, très impliquée dans le mouvement populaire. Il dénonce les nombreuses tentatives du pouvoir pour diviser et affaiblir le mouvement et réduire la mobilisation.
Quelle évaluation faites-vous de la marche d’hier vendredi 19 avril ?
La marche d’hier a été, pour moi, un pari réussi, surtout que le pouvoir a tout fait pour affaiblir la mobilisation pour le 9e vendredi. Il a d’abord actionné une campagne féroce sur les réseaux sociaux via des intimidations et des menaces.
Le pouvoir a également essayé de limiter la présence des femmes dans les marches avec ce qui s’est passé au commissariat de Baraki. Il y a aussi l’affaire de l’irruption d’individus non identifiés dans l’enceinte de la faculté de droit de Saïd Hamdine. Ceci en sus des interpellations durant la semaine.
Ce sont autant de messages et tentatives afin d’affaiblir la mobilisation du peuple algérien en vue de la marche d’hier. À cela s’ajoute le dispositif que je n’ai jamais vu auparavant à l’entrée d’Alger. J’ai personnellement vu trois barrages filtrants composés de centaines de gendarmes qui empêchent les citoyens, venus des autres régions du pays, de rejoindre la capitale.
Malgré toutes ces tentatives, le peuple algérien est sorti comme à son habitude, hommes, femmes, petits et grands, ils sont tous venus pour réitérer leur unique demande qui est le départ du système. Il n’y a pas eu de débordements ou des scènes de violence. Si violence il y a, elle ne peut pas venir des manifestants, mais des manipulateurs et des provocateurs liés au pouvoir et à la police. Une nouvelle fois, le peuple algérien a affiché son attachement au caractère pacifique des marches.
Qu’avez-vous pensé des tentatives de certains policiers d’interdire les drapeaux amazighs portés par des manifestants ?
Personnellement, je qualifie ces agissements de tentatives qui visent à diviser le mouvement, surtout que ce vendredi intervenait à la veille des commémorations du Printemps berbère de 1980 et du Printemps noir de 2001.
On a même vu des appels sur les réseaux sociaux dans ce sens. Le seul objectif à travers ces manœuvres est de créer la division à l’intérieur du mouvement. À Alger, par exemple, j’ai constaté que l’Algérie s’est réconciliée avec son identité. Le drapeau amazigh n’est pas rejeté par les Algériens. C’est là un acquis que l’on doit sauvegarder.
Le pouvoir tente de diviser pour mieux régner ?
Le pouvoir a, en effet, essayé de jouer cette carte qui n’a heureusement pas marché. Les Algériennes et les Algériens sont conscients des enjeux et savent très bien que cette carte de la division a été utilisée par le pouvoir, depuis l’Indépendance à ce jour, pour diviser les Algériens et permettre au système de se maintenir au détriment de l’intérêt général du peuple.
Les Algériens ont adressé, encore une fois, un message très clair en disant « nous sommes unis ». Il y a un consensus dans la rue pour le départ du système et quoi que le pouvoir fasse il ne peut pas diviser le peuple. Le peuple algérien a tiré des leçons des expériences passées et ne connaît que trop bien les ruses de ce pouvoir et de ses manœuvres.