Le calme règne ce lundi matin sur Ait Yahia Moussa, à une trentaine de kilomètres au sud de Tizi Ouzou. Il y a six jours, la localité était confrontée à des feux de forêts, d’une ampleur considérable. Le bilan est lourd : un mort et plusieurs blessés. Les flammes ont décimé la végétation luxuriante, les arbres des vergers et des forêts avoisinantes.
Sur de vastes superficies de terre noircies par les cendres, des troncs d’arbres calcinés témoignent de l’ampleur des dégâts et la violence des flammes. Tout le massif de la région est “dénudé” de sa végétation. En deux jours, les flammes ont tout détruit. Sur les 7 à 8 kilomètres de route, entre Ait Yahia Moussa et le village d’Ait Rahmoune, le décor est partout le même. “Une véritable apocalypse est passée par là”, s’exclame un membre de la délégation du ministre de l’Intérieur venu constater, évaluer, se solidariser avec les habitants. Il est environ 10h du matin.
Le ministre Noureddine Bedoui arrive à la demeure des Kirouine pour présenter les condoléances du gouvernement suite au décès de Rabah, le père de famille de 64 ans, qui a succombé à ses brûlures lors des incendies du 11 et 12 juillet. À quelques dizaines de mètres de cette demeure, une vingtaine de villageois sont adossés à un mur.
“Nous avions cru que c’était la fin du monde. Sinon notre fin à nous. Tous ces villages que vous voyez sur ces collines étaient cernés par les flammes“, raconte un jeune habitant. Son camarade l’interrompt et poursuit : “Onze villages au total étaient piégés par les flammes. Imlikchène, Ait Ouacif, Ait Rahmoune, Laazaiv, Ait Attela, Tifaou, Imaksene, Ait Slimane, Afir et Imoulakh…“.
Des villages éparpillés sur plusieurs collines du vaste massif de la région. “Nous avons vécu les 48h les plus infernales de notre vie. Les feux se propageaient très rapidement en raison de la densité de la végétation, les températures qui dépassaient les 50° et les vents chauds qui soufflaient. Les flammes atteignaient des hauteurs incroyables“, témoigne un septuagénaire, qui ne se souvient pas avoir vécu un « enfer pareil ».
“Il y avait quelques camions de la protection civile mais ils étaient vite dépassés. Il n’y avait même plus d’eau pour affronter les flammes”, affirme un quinquagénaire.
Les habitants n’avaient pas le choix. “Il fallait affronter les flammes à l’aide de pelles et des branchages de fortune au risque de sa vie ou de toute façon périr. On n’a pas cessé de réclamer plus de moyens mais en vain. On était laissés à l’abandon. On voulait sauver au moins les habitations mais les plus proches de la végétation ont fini par être atteintes tout comme les écuries de fortune de certains villageois. La panique a fini par s’installer dans la région”, poursuit-il.
Les autorités se défendent de n’avoir pas porté assistance aux habitants et évoquent la rapidité de la propagation des flammes. “C’était le mardi 11 juillet à 14h. Nous étions en réunion d’urgence au siège de la daïra lorsque les premiers incendies nous ont été signalés. Le chef de daïra a, alors, immédiatement déclenché le plan Orsec mais en une heure le feu qui a pris départ dans la commune voisine de M’kira a déjà cerné 11 villages de notre commune. Mercredi, soit le deuxième jour, lorsque les incendies ont repris subitement, les moyens de la protection civile, des communes voisines et de l’ANP étaient déjà là sur place et ce jusqu’à 2 heures du matin aux côté des habitants”, raconte la maire de cette commune, Boughedda Said.
Tout en reconnaissant que les moyens mis en place étaient insuffisants pour faire face à des incendies d’une ampleur considérable, le directeur des forêts de la wilaya, M. Tabti, explique : “La priorité était de préserver les habitations et les habitants et c’est ce qu’on a fait. Pour le reste, il était impossible de s’aventurer car le couvert végétal de la région est constitué essentiellement de maquis non pourvus de pistes“.
Après les incendies, les habitants d’Ait Yahia Moussa tentent de panser leurs plaies. L’annonce de l’indemnisation des victimes est accueillie favorablement par les habitants qui se sentaient jusque-là abandonnés par l’État. “Pourvu qu’ils tiennent leurs promesses”, insiste un habitant.
Si Ait Yahia Moussa est la commune la plus touchée par les incendies, dix autres communes n’ont pas échappé à cette catastrophe. Il s’agit, selon la protection civile, de Maâtkas, Ifigha, M’kira, Ouadhias, Tizi N’tleta, Timizart, Ait Khelili, Tizi Rached, Ait Aggouacha et Yakourène.
Au total, la wilaya de Tizi Ouzou a enregistré 419 feux de végétation dont 101 importants et qui ont détruit 2122,44 hectares et 50 147 arbres fruitiers. Selon les chiffres de la protection civile, au moins 1100 hectares de couvert végétal ont été détruit en seulement deux jours.