Chacun d’entre nous en a fait l’expérience un jour. Être soudain pris d’un besoin urgent dans la rue et chercher en vain des vespasiennes publiques. La rareté des pipi-rooms à Alger pose un sujet urbain crucial.
En leur absence, les citadins se soulagent dans les coins de rue, cages d’immeubles, impasses, squares. Toutes les capitales du monde sont dotées de sanisettes et latrines publiques. Des sanitaires à l’hygiène irréprochable avec disponibilité de l’eau et de papier hygiénique dans tous les quartiers et en accès libre 24/24 h. Nous avons été à la recherche de latrines publiques dans les rues d’Alger.
Au bout de 3 heures de marche, la conclusion est tombée tel un couperet. Mieux vaut avoir une vessie hyper extensible. Les rares vespasiennes existantes se trouvent dans les marchés. Pour les femmes, le problème est encore plus grave. Ces sanitaires sont mixtes. En plus de l’absence d’intimité, le manque d’hygiène est hallucinant.
SOS, besoin urgent
Les seules sanitaires destinées aux femmes se trouvent à la place Audin, à proximité de la Faculté d’Alger. Ces vespasiennes publiques gérées par la wilaya d’Alger ont été aménagées au début des années 2000.
À l’entrée, une affichette est placardée : la cigarette interdite. Des miroirs et des lavabos sur lesquels trônent des bouteilles remplies de liquide vaisselle coupé à l’eau par souci d’économie. Widad, 37 ans, y travaille depuis 6 ans. Elle distribue les tickets et nettoie les latrines.
« Il y a six toilettes ici. Les femmes s’acquittent d’un ticket de 20 da en entrant mais certaines refusent de payer. Des jeunes femmes y marquent une halte pour faire un brin de toilette, se repoudrer le nez ou essayer un vêtement qu’elles viennent d’acheter dans la galerie souterraine du tunnel des Facultés où les cabines d’essayage sont inexistantes. Ce qui est regrettable, c’est l’incivisme de certaines d’entre elles qui jettent lingettes et bandes hygiéniques dans la cuvette, alors que des poubelles prévues pour cet usage sont disponibles. »
Ouverte entre 7h30 et 17h30, les toilettes publiques pour femmes de la place Audin sont fermées en soirée, le vendredi et les jours fériés.
Tirez-la chasse svp !
Au sous-sol du tunnel des Facultés, il existe une pissotière dont l’emplacement est signalé par une forte odeur d’ammoniaque. Le côté gauche est réservé aux hommes. Sur la droite, un simple rideau trace la frontière avec les vespasiennes réservées aux femmes. Un lavabo commun, une saleté repoussante et une odeur asphyxiante ne donnent pas envie d’y mettre le pied.
Notre balade à la recherche de latrines publiques dans la capitale se poursuit. Dans la galerie marchande située au-dessous du marché Réda Houhou (ex-Clausel), une pancarte indique ‘Toilettes Publiques’.
Ici, la mixité a été prise en compte : les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Mais question hygiène, il y a péril en la demeure. Les murs suintent de saleté, le bas des portes des WC est lépreux et une forte odeur d’ammoniaque flanque le vertige. Nous nous hâtons de quitter ce lieu.
Zéro intimité. Zéro hygiène
Rue Hassiba Ben Bouali, sous les escaliers de la rue Ahmed Zabana, un petit espace sert de latrines publiques. Nous demandons au maître des lieux s’il existe des sanitaires pour les femmes. À notre grande surprise, il nous répond que les mêmes cuvettes sont utilisées à tour de rôle par les femmes et les hommes. Le couloir menant aux cabinets est si exigu que les corps se touchent pour se frayer un chemin. Les portes en contreplaqué sont vermoulues, les faïences arrachées et l’atmosphère lugubre. Zéro intimité et grave problème d’hygiène dans ces pissotières.
Marché Ali Mellah (Place du Premier Mai). Ces sanitaires sont fréquentés en même temps par les femmes et les hommes. Une saleté repoussante et choquante. Des trombes d’eau par terre. Des odeurs pestilentielles. Des mouches partout. Vers 13 heures, fermeture des portes de ces pissotières en même temps que celles du marché.
À quelques encablures de là, dans l’enceinte de l’hôpital Mustapha, il y a des vespasiennes publiques. Mais impossible d’y mettre les pieds sans se boucher le nez. Zéro hygiène zéro commodités. Des mouches font une valse. De quoi chopper des infections graves. L’affichette à l’entrée prête à sourire : payez d’avance : 20 da.
La rareté des sanitaires publics poussent les citoyens à se soulager dans l’espace public : autour des gares, derrière les arbres, dans les parcs, dans les entrées d’immeuble… Des sanisettes mobiles avaient été installées il y a quelques temps sur certains trottoirs de la capitale mais elles ont été finalement démontées. Comment aspirer à faire de la capitale algérienne une destination touristique lorsque ce genre de commodités est inexistant ?