Au lendemain de la dixième journée de mobilisation des Algériens sur l’ensemble du territoire national pour dire « dégage » au système en place, plusieurs dizaines de manifestants souffrant de handicap se sont réunis ce samedi dans le centre-ville d’Alger.
Peu avant midi, les manifestants, qui essayaient de joindre le parvis de la Grande Poste et le siège de l’APN ont été encerclés par les forces de l’ordre, suscitant l’indignation des passants.
Quelques minutes plus tard, le filet de sécurité s’est assoupli, laissant le cortège s’avancer sur le trottoir faisant face au bureau de poste. « Echaab, yourid, irouhou, ga3 (le peuple veut que tout le monde parte) », « Klitou l’mouaouaqin ya serraqin (Vous avez arnaqué les personnes handicapées, voleurs !) », « Pouvoir assassin » : autant de slogans scandés par les opposants au régime.
« On se fait mépriser »
Mais au-delà d’un changement de régime, ces manifestants sont venus exposer les difficultés auxquelles ils sont confrontés au quotidien. D’où le choix d’une autre journée que celle du vendredi.
« Il n’y a rien pour nous depuis vingt ans. Ni travail, ni infrastructure, ni structures spécialisées. On n’a le droit à rien et maintenant on veut même nous tirer le droit de manifester », déplore Nesrine. Parmi les sujets abordés, la pension mensuelle de 4000 dinars versée aux malades. « Que voulez-vous faire avec ça », peut-on entendre de part et d’autre.
Un père de famille, jusqu’ici resté en retrait finit par hausser le ton : « Il faut les traîner en justice, il faut un procès ! » Cet homme discret raconte avoir perdu son fils de 19 ans, infirme moteur cérébral, le 1er janvier dernier après une détresse respiratoire. « L’ambulance n’avait pas d’oxygène. Vous vous imaginez ? Depuis son enfance, il n’y a jamais eu de prise en charge adéquate et ça n’a fait que dégrader son état… »
Même son de cloche du côté d’Omar, amputé d’une jambe après un accident. Sur sa moto aménagée, il n’a pas manqué d’accrocher une pancarte avec l’un des slogans qui a fait sensation la veille : « Un seul Gaid, le peuple ». « l’État ne subventionne personne. Il manque tout, explique-t-il. On n’a pas d’aide ni pour les prothèses, ni pour les chaises roulantes. Ma moto m’a coûté presque vingt millions. Je l’ai payée avec mon propre argent. Pour avoir une aide, on m’a dit qu’il fallait avoir les deux jambes coupées. Alors si on est ici, c’est parce qu’on ne veut pas devenir les oubliés de cette révolution. »