Ils n’en démordent pas. Ce vendredi 17 mai et pour la treizième semaine consécutive, les Algériens sont descendus par milliers pour réclamer le report des élections présidentielles fixées au 4 juillet ainsi qu’un changement radical du régime en place.
À Alger, les premiers manifestants se sont réunis à proximité de la Grande Poste dès 9h30 du matin. Comme d’habitude, l’accès au parvis de la bâtisse a été fermé par les forces de l’ordre. Le dispositif policier est imposant.
Si les premiers manifestants ont pu être contenus dans la matinée, les choses se sont corsées juste après la prière de Dohr. Le cortège s’est élancé alors qu’on pouvait encore entendre les prêches dans les mosquées des alentours. Par centaines, hommes, femmes enfants parés du drapeau algérien ou de l’emblème amazigh ont déboulé rue Didouche-Mourad sur fond de slogans contestataires. Leurs cibles : le chef de l’d’état-major Ahmed Gaid-Salah, le premier ministre Nourredine Bedoui ou encore le chef de l’État par intérim Abdelkader Bensalah.
Lorsque la foule s’approche de la Grande Poste, elle est accueillie par les fourgons de police qui forment un barrage. Insultes, huées et sifflets sont alors proférés à l’encontre des agents de police, impassibles. Ceux qui osent s’approcher, taper ou monter sur les véhicules sont immédiatement chassés à coups de spray lacrymogènes, voire de matraques.
« Je suis déçue, confie Lila 50 ans. J’ai même envie de pleurer. Parce qu’on joue au jeu du chat et de la souris. Les escaliers de la Grande Poste, c’est juste symbolique ! Donc je ne vois pas pourquoi ils ramènent une tonne de flics. Pour moi, c’est juste de la provocation ».
Il n’en est rien pour la Wilaya d’Alger qui a justifié ce dispositif en pointant les risques d’affaissement des escaliers et des paliers, dans un communiqué diffusé en début d’après-midi. Mais la mesure choque et échauffe les esprits.
Pendant ce temps l’artère principale de la capitale ainsi que les jardins avoisinants sont bondés. Le cortège ne progresse plus mais dans chaque coin, des petits groupes tapent sur des tambours et scandent des slogans pour exprimer leur colère et leurs revendications (« Makanch el intikhabat yal 3issabat » ; « Yetnahaw ga3 » ; « Klitou l’blad ya saraqine »). On en oublierait presque qu’il fait 30 degrés à l’ombre et qu’il s’agit du douzième jour du mois de Ramadhan.
Sur les pancartes, les revendications sont identiques aux dernières semaines. Certains messages vont droit au but (« Dégagez »), quand d’autres font preuve d’humour (« C’est vendredi 13. La bonne nouvelle, c’est qu’on sera votre pire cauchemar ») ou de philosophie (« En suivant le chemin qui s’appelle ‘plus tard’, on arrive sur la place qui s’appelle ‘trop tard’ »).
Autour de 15 heures, les manifestants parviennent finalement à faire céder le barrage de policiers déployé sur l’esplanade de la Grande Poste. Applaudissement et cris de joie. Les Algériens ont libéré leur lieu de pèlerinage.
Le rassemblement se poursuivra jusque tard dans l’après-midi. « Ils ont tout essayé mais on est déterminé, confie un aîné. Je vous le jure, je suis prêt à mourir ici pour que ces jeunes vivent libres et en démocratie ».