Dans les pays modernes et démocratiques, les ministres restent dans leurs bureaux, réfléchissent et élaborent des projets de loi qu’ils vont défendre face aux députés. En Algérie, les ministres n’élaborent pas de projets de loi ni de stratégies pour leurs secteurs.
Leur travail se résume à voyager beaucoup à l’intérieur du pays. Accompagnés de nombreux journalistes, ils visitent des chantiers, inaugurent des projets y compris les plus insignifiants et font des déclarations.
Le nouveau gouvernement Bedoui ne déroge pas à la règle. Ce samedi, trois ministres étaient donc en déplacement à Béchar : Salah-Eddine Dahmoune (Intérieur), Ali Hamam (Ressources en eau) et Kamel Beldjoud (Habitat). Le choix de la délégation n’est pas fortuit : le premier est venu parler de développement local ; le deuxième gère un secteur sensible dans une région désertique et le troisième est à la tête d’un secteur clé pour l’achat de la paix sociale.
Pour le gouvernement Bedoui cette sortie est d’une importance capitale. Le nouvel exécutif voulait montrer qu’il était capable d’accomplir correctement sa mission dans une situation marquée par le rejet du gouvernement par la population.
La sortie des trois ministres n’a pas été annoncée officiellement. Un moment, c’est Bedoui qui était annoncé sur place. Mais l’information annonçant une délégation ministérielle a fait le tour de la ville. Dès hier soir, des dizaines d’habitants de Bechar campaient devant l’aéroport. Ils entendaient empêcher la délégation d’effectuer sa visite.
Finalement, les trois ministres sont arrivés ce samedi matin. Un comité d’accueil les attendait, avec des slogans hostiles. « Le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales du gouvernement Bedoui a fait ce déplacement sous une immense escorte sécuritaire vu le contexte sensible d’un gouvernement contesté. La délégation ministérielle a été accueillie dans un climat tendu lors de cette escale par de nombreux Bécharois en colère », relate la radio publique Chaine III.
« Cette délégation a été toutefois chahutée par des groupes de jeunes présents au niveau des sites ciblés par la visite pour signifier, en déployant de larges banderoles, leur “refus catégorique” de la présence des membres du gouvernement dont “ils ne reconnaissent pas la légitimé”, a-t-on constaté », relate pour sa part l’agence officielle.
Malgré la présence des manifestants, les trois ministres ont réussi à effectuer quelques inaugurations : un centre anti-cancer, un projet de transfert des eaux de la zone de Boussir située au nord de la wilaya, le lancement d’une piscine…
« Nous continuerons en tant que gouvernement à œuvrer pour le suivi des projets de développement à travers le pays et ce, pour répondre aux préoccupations des citoyens », a expliqué le ministre de l’Intérieur aux journalistes pendant que la population manifestait à l’extérieur encadrée par des forces anti-émeutes. Salah-Eddine Dahmoune a même eu l’audace de saluer le caractère pacifique des manifestations alors que sa police interdisait presque au même moment un rassemblement à Alger et interpellait six militants.
Si la population de Bechar n’a pas réussi à empêcher la délégation d’effectuer sa visite, celle de la commune d’El Abadla a eu plus de réussite. Selon la chaîne Dzair News, la délégation ministérielle a été littéralement chassée par les manifestants qui ont coupé la route. Les trois ministres ont annulé leur visite.
Cet épisode montre à quel point le gouvernement Bedoui est contesté et inaudible. Habituellement, les déplacements d’un ministre comme celui de l’Habitat constituent des moments forts pour les populations locales qui profitent pour réclamer des logements ou se plaindre des retards dans la réalisation des projets. Cette fois, la population de Bechar a carrément refusé d’accueillir ce ministre.