Les fortes pluies qui se sont abattues sur le nord de l’Algérie ces dernières semaines ont fait neuf morts et causé beaucoup de dégâts matériels.
Le colonel Achour est le directeur de l’information et des statistiques au niveau de la Direction générale de la Protection civile.
Il explique qu’à chaque BMS, trois leviers sont actionnés par la Protection civile. Le colonel Achour donne aussi des conseils pour éviter l’asphyxie souvent mortelle au monoxyde de carbone et des recommandations pour une conduite sécurisée en temps de pluie. Entretien.
Nous constatons que dès les premières pluies en Algérie, il y a des dégâts, des inondations, des effondrements, etc. Pourquoi ?
Effectivement, on a enregistré un nombre important d’interventions par les secours à travers les wilayas où il y a eu d’importantes pluies.
D’abord, ce qui est à relever, c’est les quantités extrêmement importantes de pluie qui sont tombées sur le nord de l’Algérie. Parfois, on a eu l’équivalent des précipitations sur un mois en une ou deux heures seulement.
Cela a généré beaucoup de problèmes ; à savoir : des inondations, des glissements de terrains ou encore des effondrements – notamment de pans de murs, de faux plafonds, etc.
Malheureusement, on a également enregistré le décès de personnes au niveau des communes de Bologhine et de Rais Hamidou, sans oublier les personnes emportées par les eaux à Douira.
Il est à noter qu’à chaque BMS, trois leviers sont actionnés au niveau de la Direction générale de la protection civile.
Le premier levier est lié à l’information et à la sensibilisation ; nous essayons d’intervenir à chaque fois et de sensibiliser le citoyen au respect des mesures de sécurité.
Il faut savoir que nous faisons face à des pluies torrentielles et non des inondations évolutives, surtout à l’intérieur du pays. Beaucoup de gens prennent des raccourcis qui passent par des oueds ou des endroits qui sont vulnérables et exposés aux inondations.
Comme nous avons beaucoup de personnes véhiculées qui essayent, par méconnaissance des dangers, de traverser les passages de flots.
Notre rôle est de les sensibiliser à un certain nombre de recommandations afin qu’ils se mettent en situation de sûreté.
Le deuxième levier est la coordination intersectorielle. Nous sensibilisons l’ensemble des intervenants dans la chaîne de secours et coordonnons nos efforts pour qu’il n’y ait pas de victimes.
Le troisième est le levier opérationnel. Lorsque nous savons qu’une certaine zone va connaître d’importantes précipitations, nous mettons les moyens afin d’intervenir sur le champ.
Nous prévoyons aussi des itinéraires sécurisés, avec l’aide de nos collègues des corps de sécurité.
Pourquoi les pluies en Algérie sont-elles synonyme d’inondations ? Surtout qu’à chaque fois, ce sont les mêmes points noirs.
En effet, la plupart de ces points inondables sont recensés. Et nous essayons de prévoir des dispositions qui nous permettront d’anticiper et d’intervenir rapidement.
Quant aux nombreux endroits vulnérables aux chutes de pluies, des travaux de correction ont été effectués pour protéger les villes. À titre d’exemple, à Oued Makra dans la wilaya de Sidi Bel Abbes, les travaux qui ont été faits ont réglé définitivement le problème.
Malheureusement, en perdant beaucoup de forêts et d’arbres, beaucoup de régions sont devenues vulnérables à l’érosion des sols.
Quelles sont les conséquences des risques que prennent des citoyens en temps de pluie ?
Je leur dis : ne prenez pas de risques inutiles. D’abord, en évitant les déplacements qui ne sont pas nécessaires. Et même si vous êtes dans votre véhicule, n’essayez pas à tout prix de traverser les flots car ceux-ci peuvent facilement emporter la voiture et causer un drame.
Il faut également éviter d’emprunter les lignes mineures ou majeures des oueds et privilégier les chemins les plus sûrs.
Qu’est ce qui est fait pour supprimer les points noirs concernant les inondations dans les villes ?
Il y a tout un travail intersectoriel qui se fait. La délégation nationale des risques majeurs fait un énorme travail pour rassembler tous les secteurs concernés afin de trouver les meilleures solutions.
Il y a également le phénomène de l’urbanisation qui a été mené sans consulter les services spécialisés. Cela a donné lieu à des édifices bâtis dans des endroits extrêmement vulnérables aux aléas de la nature, ce qui représente des dangers.
En hiver, de nombreux morts sont déplorés chaque année pour cause d’intoxications au monoxyde de carbone…
Malheureusement, jusqu’à présent, nous avons recensé une dizaine de morts. Et ce malgré notre sensibilisation anticipée par rapport à ce phénomène, en utilisant différents moyens.
Nous avons mené des campagnes de proximité à travers les wilayas, en nous basant sur le milieu scolaire, car les enfants sont sensibles au risque.
Nous travaillons aussi avec les centres de formation professionnelle. Nous ciblons les plombiers, électriciens, etc. afin qu’ils puissent devenir également des acteurs de la sensibilisation.
Nous sensibilisons aussi en milieu universitaire, un secteur important pour nous, que ce soit dans les cités universitaires ou dans la recherche.
Malgré le travail de sensibilisation que fait la Protection civile chaque année, le monoxyde de carbone tue toujours en Algérie. Quelle est la cause ?
On a cette tendance à se dire que ça n’arrive qu’aux autres et c’est là que réside le problème. Les cas d’intoxication au monoxyde de carbone sont multiples. À chaque fois que cela arrive, nous essayons d’analyser la situation afin de lancer nos opérations de sensibilisation, avec des objectifs bien précis.
À un certain moment, nous avions la problématique des appareils de chauffage non conformes, mais celle-ci a vraiment diminué. Les causes de l’intoxication viennent donc d’ailleurs.
Par exemple, dans le cas de la dernière opération en date, l’appareil chauffe-bain était correctement installé avec une évacuation vers le balcon. Mais malheureusement, celui-ci avait une baie vitrée qui était fermée à cause du froid. Le gaz qui s’échappait rentrait alors vers l’intérieur.
Nous avons aussi le problème des évacuations au niveau des immeubles qui ne sont pas vérifiées. Dans les wilayas connues pour accueillir des oiseaux migrateurs, comme Taref et M’sila, ces évacuation sont souvent bouchées à cause des nids de ces oiseaux.
Certaines personnes, en faisant des travaux d’aménagement dans leurs maisons, suppriment carrément la conduite d’évacuation, par souci esthétique, se mettant ainsi en danger.
Avoir une bonne évacuation des gaz brulés est très important car c’est la garantie de ne pas avoir d’asphyxie ni d’explosion. Un autre point capital est de ne pas l’utiliser pour autre chose que le chauffage et de ne pas toucher aux composantes du système de chauffage.
C’était le cas du dernier décès à Sétif, où une famille avait installé un système de séchage de linge qui a fini, par le poids de ce dernier, par endommager le système d’évaluation et le rendre dysfonctionnel.
La vigilance, la bonne ventilation et l’installation de détecteurs de gaz sont les bons gestes à adopter pour éviter un drame.
Avec l’aide et les efforts du ministère du Commerce, très attentifs à cette problématique, nous avons aussi à disposition des détecteurs intégrés dans le système de chauffage et des normes qui les réglementent.
La saison hivernale est marquée par une croissance des accidents de la route. Quels sont vos conseils aux conducteurs ?
Effectivement, nous enregistrons parfois une centaine de blessés et une dizaine de décès en 24 heures, ce qui est beaucoup. Nous invitons nos concitoyens à respecter les règles de la conduite hivernale, très différente du reste de l’année.
En hiver, le conducteur doit redoubler de vigilance, laisser une distance de sécurité entre les véhicules plus importante en raison de la baisse de visibilité en temps de pluie. Il faut également toujours rester informé sur la météo et surtout respecter le code de la route.
Ce qui est important aussi, lorsqu’on conduit sous la pluie, c’est de voir et d’être vu. C’est pour cela qu’il faut toujours vérifier que tous les systèmes de signalement de sa voiture et les essuie-glaces sont fonctionnels, et que ses pneus ont une bonne adhérence.
L’état des routes joue aussi un rôle dans les accidents en Algérie. Qu’avez-vous à dire là-dessus ?
Il est vrai qu’en plus du conducteur et du véhicule en lui-même, il y a aussi l’environnement – l’état des routes – qui entre en jeu.
La délégation nationale de la sécurité routière, dont fait partie la direction générale de la protection civile, à l’instar de plusieurs ministères, tentons d’engager des réflexions afin de régler les problèmes des routes.
Il y a un manque sur nos routes qui a été constaté, notamment en matière de signalisation routière, de balisage des routes, etc. Il y a un réel travail qui est en train de se faire pour y remédier.