Société

À El Mohammadia, une énigmatique opération de démolition de cinq villas

Dans la cité Zerhouni Mokhtar de Mohammadia (ex- Les Bananiers), à l’est d’Alger, l’incompréhension et un certain sentiment d’injustice règnent après la démolition la semaine dernière de cinq constructions par les autorités.

« J’ai commencé à construire en mai 2017. Je n’ai jamais eu de problème jusqu’en avril 2018 quand un huissier m’a ramené une décision d’arrêt des travaux, qui étaient déjà terminés, datant de mai 2017, soit avec onze mois de retard », relate Mohamed Belhadj, propriétaire de l’une des villas démolies, rencontré sur les lieux. L’arrêté de démolition lui a été notifié le 11 avril. Dix jours plus tard, soit le 22 avril dernier, la décision est exécutée. La villa de deux étages est réduite à un tas de gravats.

Absence de permis de construire

Dans cette cité, aucun des propriétaires des bâtisses détruites n’était détenteur d’un permis de construire justifiant les travaux effectués. Chose qui rend donc ces constructions illicites. « Mais ici tout le monde a construit (ou fait des extensions) sans permis de construire. Sauf que sur les 42 villas, seulement cinq ont été détruites », objecte M. Belhadj.

Selon lui, la commune ne dispose pas d’un cahier des charges pour la construction rendant ainsi l’obtention d’un permis de construire impossible. Aujourd’hui, certains propriétaires ont saisi la justice. Comment ces cinq villas ont-elles été choisies ? « C’est un grand point d’interrogation », lâche Ryad Khemis, un autre propriétaire dont la villa a été démolie.

Le chef de cabinet du wali ?

Pour nos deux interlocuteurs qui se présentent comme étant des retraités, ces décisions de démolition ne constituent pas vraiment une énigme. Selon eux, tout a commencé après une dispute entre le chef de cabinet du wali d’Alger qui habite près du quartier et son voisin.

« C’était une simple dispute entre voisins. Je ne connais pas exactement les détails. Quelques jours plus tard, on a détruit (au second) l’étage (qu’il était en train de construire au-dessus de son restaurant sans permis de construire). Sauf qu’il ne s’est pas tu. On a alors commencé à démolir aux quatre autres », relate un habitant du quartier. « Il s’agissait de justifier la première décision de démolition », ajoute-t-il.

« Je ne connais pas le chef de cabinet »

Le voisin en question qui se serait disputé avec le chef de cabinet s’appelle Nacer Aït Abdelmalek. Rencontré dans son restaurant, l’homme dément catégoriquement un quelconque conflit avec le responsable à la wilaya.

« Je ne connais pas le chef de cabinet du wali (d’Alger). Donc je n’ai aucun problème avec lui. Je n’ai jamais eu des problèmes avec des voisins. Je ne me suis jamais disputé avec l’un d’eux », assure Aït Abdelmalek qui comprend la décision de démolition. « Je suis en défaut. Je n’ai pas de permis de construire. On m’a détruit l’étage. Je ne suis victime d’aucune hogra », jure-t-il.

Application de la loi

L’homme affirme également avoir reçu une mise en demeure trois mois avant la démolition. « Tout le monde a d’ailleurs reçu des mises en demeure. N’écoutez pas ce que disent les gens », insiste-t-il. Nacer Aït Abdelmalek assure aussi qu’il n’a pas saisi la justice.

Contacté par TSA, une source de la wilaya invoque la loi. « La semaine dernière, nous avons démoli 30 baraques à Birkhadem. Nous avons également détruit ces villas aux Bananiers. Leurs propriétaires ont construit sans permis », explique-t-elle.

Un quartier informel

Quoi qu’il en soit, la démolition de ces bâtisses dans la cité de Zerhouni Mokhtar relance le débat sur les constructions illicites dans le pays. Dans ce quartier où les villas sont collées les unes aux autres, une grande partie des propriétaires ont effectué des travaux d’extension ou ont détruit leurs biens pour construire d’autres, selon les témoignages recueillis sur place.

« Nous avons acquis ces villas en 1999 chez l’OPGI. Elles ressemblaient toutes à celle-ci (une maison R+1 de trois pièces, ndlr) », précise un habitant en montrant du doigt la maison de son voisin. Au moment de la signature de leurs contrats, les propriétaires se sont engagés à ne pas toucher la façade. Quelques années plus tard, certains d’entre eux ont demandé des « autorisations » pour construire des garages et faire des extensions.

Ils ne les ont jamais obtenues. Mais les extensions ont été tout de même construites après une entente entre voisins. C’est ce qui explique la présence de poteaux électriques à l’intérieur de certaines bâtisses.

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