À la faculté de droit de Saïd Hamdine (Alger), ce jeudi 18 avril, les scènes surréalistes de la veille sont dans toutes les discussions. Des éléments des forces sécurité, présentés comme faisant partie de la BRI, une unité d’élite de la police nationale, ont mené une opération dans l’enceinte de la faculté.
Aujourd’hui, les étudiants veulent savoir. Loin d’être intimidés, ils discutent également des démarches à entreprendre « pour ne pas laisser passer cet incident très grave », explique Hichem.
Hichem n’a aucun doute : ce sont des policiers qui ont mené l’opération. « Quatre véhicules, trois de couleur noire et un de couleur blanche, ont fait irruption dans l’enceinte universitaire. Ses occupants se sont directement dirigés vers l’amphithéâtre 205 où se tenait une réunion des étudiants dont l’ordre du jour était les marches du Hirak », relate-t-il.
« Les agents de police ont, ensuite, investi les lieux confisquant téléphones portables, les papiers d’identité et la feuille de présence. Ils ont tenté d’emmener de force un des camarades, mais face à la résistance des autres étudiants ils ont fini par le relâcher », précise Hichem qui ajoute que face à la détermination de ses camarades les agents de police ont dû décamper précipitamment, blessant sur leur passage une étudiante qui se retrouve avec une fracture du bras.
« Une grave atteinte à la franchise universitaire ! »
Ce jeudi matin, le doyen de la Faculté s’est réuni avec les étudiants. Mais au lieu de répondre à leurs questionnements à propos des tenants et aboutissants de cette grave atteinte à la franchise universitaire, il a tenu un discours conciliant, laissant les étudiants ruminer leur colère.
À la fin de l’intervention du doyen, les étudiants continuaient encore à ressasser leur indignation, parfois même de manière bruyante. Certains étudiants n’hésitent pas à pointer des « complicités » à l’intérieur de la faculté « soit parmi les étudiants ou au sein de l’administration.
« Sinon, comment expliquer que les policiers se soient directement dirigés à l’amphi 205. Quelqu’un a dû les informer », accuse notre interlocuteur. « J’aurais personnellement souhaité lui poser une question sur la partie qui a autorisé ces individus à faire irruption dans notre faculté. Malheureusement, on nous a empêchés de poser des questions », raconte, dépité, l’étudiant.
Après le départ du doyen, des accusations et contre-accusations fusent et les étudiants n’arrivent pas à s’entendre sur une seule démarche. Un étudiant tranche face à ses camarades : « Ce qui s’est passé à l’amphi, ce matin, ne doit pas nous diviser et nous faire oublier notre principale revendication qui est celle de faire toute la lumière sur les parties qui ont toléré cette grave atteinte à la franchise universitaire. Qu’elles soient identifiées et punies ! ».
L’option de la grève divise les étudiants
Selon des étudiants interrogés, « la seule chose à retenir du speech du doyen, c’est sa promesse de ne pas s’opposer à l’option d’une grève des étudiants, si d’aventure celle-ci venait à faire l’unanimité». Mais une telle option ne semble pas susciter de consensus chez les étudiants.
« Certains ont fait le choix de poursuivre les cours tandis qu’une autre partie a opté pour la grève. Là, on essaie d’avoir une convergence des vues et arriver à une majorité en faveur de la grève », explique un autre étudiant.
« Je suis parmi les étudiants qui ont décidé de boycotter les cours à notre retour des vacances de printemps, et cela en signe de solidarité avec le hirak. Seulement, il se trouve qu’il y a des étudiants qui continuent d’assister aux cours. L’un d’eux habite dans mon quartier, dont le papa est un enseignant universitaire, poursuit sa scolarité normalement. Et je dois vous avouer que moi aussi je suis tenté de reprendre les cours. On nous annonce les examens dans quinze jours, je souhaite juste qu’ils soient reportés afin de permettre à ceux qui ont raté des cours de se rattraper », nous confie Hichem.
Des étudiants ont bloqué l’accès à l’entrée d’un bâtiment regroupant des salles de cours. Sur une banderole accrochée au fronton de la porte d’entrée on lire « La nourid eddirassa madam al Amn ghir mawjoud (nous refusons d’étudier tant que notre sécurité n’est pas garantie)». Une autre banderole proclame : « Nous sommes des étudiants et pas des terroristes ».