À la veille de leur huitième marche du mardi depuis le début du mouvement populaire contre le pouvoir, les étudiants de la plupart des facultés du pays s’organisent et préparent leur nouvelle action de rue contre le pouvoir.
Ce huitième mardi de mobilisation des étudiants est le premier depuis le virage répressif pris par les autorités à l’encontre du mouvement populaire qui pourrait être confirmé dès demain à Alger face aux étudiants, malgré les critiques et les condamnations.
Les étudiants en médecine mobilisés
Parmi les étudiants qui seront ce mardi dans la rue, ceux de la faculté de médecine d’Alger. Dans les amphis et salles de cours de la faculté, plusieurs centaines d’étudiants se sont rassemblés ce matin pour préparer la marche de ce mardi.
Dans un des ateliers organisés par les étudiants, des pancartes et banderoles sont confectionnées. Elles portent des slogans exprimant le rejet du système, des 4 B (Bensalah, Belaiz, Bedoui et Bouchareb), des revendications portant sur l’instauration de l’État de droit et d’autres dénonçant la répression des marches pacifiques.
« Nous sommes prêts à soigner vos victimes », ont écrit les étudiants sur une banderole à l’adresse des policiers. Ils font allusion à la répression de leur marche de mardi passé, la première à avoir été empêchée par la police depuis le 22 février. « C’est par rapport à la répression qu’il y a eu mardi passé lors de notre marche et vendredi, c’est pour leur dire que nous allons soigner même les policiers blessés », explique Nouh, étudiant en sixième année chirurgie dentaire.
Malgré ce clin d’œil fait par eux à la répression, les étudiants affirment ne pas avoir peur et être déterminés à redescendre dans la rue. « Ce n’est pas nouveau, ils répriment depuis 1962, c’est inscrit dans l’ADN de ce régime mais les étudiants sont motivés, mobilisés, tout comme le peuple. Il y aura des marches tous les jours, jusqu’à ce qu’on instaure l’État de droit. On va gagner, c’est sûr », assure le futur dentiste.
Atelier secourisme
Devant un amphithéâtre archi comble, des étudiants en médecine ont organisé au profit de leurs camarades un atelier sur les conduites à tenir face aux situations d’urgence qu’ils pourraient rencontrer lors d’une marche réprimée par la police. « C’est un atelier de secourisme pour préparer l’étudiant parce qu’il peut y avoir de la répression demain », explique Islam, étudiant en cinquième année médecine.
Comment réagir face aux gaz lacrymogènes, aux blessures, aux plaies ou aux pertes de conscience… sont autant de points abordés par les formateurs du jour. « Il est important de savoir comment réagir lors de ces situations », explique Islam, pour qui ces précautions ne reflètent aucunement de la peur ou de l’angoisse chez les étudiants. « Lors des préparatifs, nous n’avons pas perçu de la peur, au contraire, les étudiants sont déterminés, ils veulent sortir marcher », assure-t-il.
La démocratie à l’université
Depuis le 22 février, les étudiants ont un rôle structurant du mouvement populaire contre le pouvoir. Leurs marches organisées chaque mardi, comme un relais entre les marches du vendredi, ont suivi le même rythme que ces dernières et en sont à la veille de leur huitième édition.
Au fil des semaines, les organisations estudiantines soumises au pouvoir ont été neutralisées et sont actuellement en train d’être remplacées par des comités autonomes dans les universités. C’est le cas notamment à la fac de Médecine où les étudiants veulent « se réapproprier l’espace universitaire tout comme le peuple se réapproprie l’espace public », selon Islam.
« Les étudiants essaient de s’organiser, ils estiment qu’ils sont en mesure de faire le changement, de faire des propositions pour la transition », affirme le futur médecin, pour qui, « avec les débats et les conférences organisées depuis le 22 février, l’étudiant pourra redevenir une force de proposition pour, non pas subir la phase de transition mais proposer la sienne ou faire en sorte que ça soit une transition à laquelle il adhère ».
Les étudiants autonomes organisent des débats et ateliers. Ce lundi, à la fac de Ziania, le thème était « la réappropriation de l’université, un espace public, ou la démocratie à l’université ». Un thème qui fait écho aux inquiétudes des Algériens qui voient, depuis plus d’une semaine, les forces de l’ordre tenter de confisquer de nouveau la rue, après qu’elle est été libérée par les marches contre le pouvoir.