Politique

A l’APN, l’opposition qui a raté l’occasion de devenir enfin un contre-pouvoir

Ce mercredi 24 octobre, les partis de la majorité parlementaire, appuyés par le groupe des indépendants, ont élu Mouad Bouchareb à sa tête et en toute illégalité puisque l’institution parlementaire a déjà un président qui se porte à merveille, s’exprime dans les médias, refuse de démissionner et continue de proclamer sa légitimité.

Dans cette séquence inédite que vient de traverser l’APN, l’attitude de l’opposition interpelle. La crise dans laquelle a été plongée l’institution parlementaire durant trois semaines aurait dû lui permettre de tenir enfin le rôle de contre-pouvoir qui doit être le sien et casser l’image d’une opposition molle auprès de l’opinion publique. Malheureusement, elle a été égale à elle-même et est apparue plus préoccupée par la sauvegarde de ses privilèges et de ce que sa présence à l’APN peut lui garantir et incapable de s’unir pour constituer un contrepoids à la majorité.

L’appel du RCD

Le RCD a tenté de lancer un appel aux autres formations politiques à la veille du vote pour constituer un front uni afin de mener des actions pour dénoncer la situation à l’APN. A notre connaissance l’initiative n’a pas eu l’écho souhaité. Le parti de Mohcen Belabbas renouvelait son appel ce mercredi en direction des autres formations de l’opposition à engager une concertation pour « entreprendre des actions communes dans le sens de la légalité constitutionnelle ». Là encore, aucun écho.

Dès le début de la grave crise, les partis d’opposition ont préféré faire l’autruche et laisser les formations de la majorité mener leur campagne contre le président de l’APN. A ceux qui critiquait cette attitude, des députés de l’opposition prétextaient ne pas faire le poids face aux 360 députés du camp adversaire, comme si la question se résumait à une histoire de nombre, alors qu’elle touche à la place de l’opposition au sein de l’APN.

Que ce soit le MSP, le FFS ou le RCD, les trois partis emblématiques de l’opposition au sein de l’APN, aucun d’eux n’a menacé de retirer ses troupes. « L’Algérie vient de rejoindre le cercle très fermé des régimes absolutistes. L’instrumentalisation des services de sécurité dans cette opération est un fait confirmé, par ailleurs, par le retrait de la garde rapprochée au président légal de l’APN, bien avant l’exécution du putsch », s’est contenté de dénoncer le RCD ce mercredi, après l’élection de Mouad Bouchareb à la tête de l’APN. Ni le FFS ni le MSP n’ont réagi après l’élection.

Motive les troupes et rapporte de l’argent

Pour comprendre l’attitude de l’opposition dans cette crise, il faut d’abord se demander de quelle logique répond sa présence à l’APN, alors qu’elle est cantonnée dans un rôle de figuration ? A cela plusieurs raisons peuvent être invoquées. Si siéger à l’APN offre aux partis de l’opposition une tribune, elle est également devenue un piège à miel dans lequel les formations de l’opposition trempent leurs doigts allégrement.

Pour les chefs des partis, avoir des députés à l’APN est une manière pour garder la main sur leurs troupes et se garantir leur fidélité. Le choix des candidats à la députation peut-être actionnée comme un levier de pression et jouer un rôle non négligeable dans le cas d’une opposition interne.

Sur le plan financier, l’opposition ne peut faire l’impasse sur une présence à l’APN, car l’élection de chaque député rapporte de l’argent au parti. En effet, le financement public des partis dépend de leurs résultats aux élections. En Algérie, les partis perçoivent annuellement 400 000 DA pour chaque élu à la chambre basse et à la chambre haute du Parlement.

Après les législatives de 2017, l’alliance MSP-FC, avec ses 33 députés, est garanti de percevoir 13 millions de dinars par an. Les 14 députés et 4 sénateurs du FFS vont lui rapporter 7,2 millions de dinars, alors que le RCD est assuré de percevoir 3,6 millions de dinars annuellement. Si l’opposition a fait l’impasse sur le combat politique, elle se refuse à le faire sur le plan financier.

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