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À Oman, une tradition de médiation au cœur de la gouvernance

À Oman, une tradition de médiation au cœur de la gouvernance

Mahmoud Temtemi s’est retrouvé dans une situation difficile à l’automne quand le troupeau de moutons de son voisin a dévoré les récoltes de sa ferme. Plutôt que de recourir à la vengeance personnelle ou à la police, cet Omanais s’est tourné vers le « sabla ».

Ce conseil local est une forme unique de recherche de consensus, au cœur des traditions de ce sultanat du Golfe situé entre l’Arabie saoudite et l’Iran, qui se modernise tout en conservant ses particularités.

« La ferme, c’est notre gagne-pain », explique M. Temtemi à l’AFP. « Je me suis dit que je porterais plainte devant le sabla où le propriétaire des moutons serait présent. »

Vêtu d’un long habit traditionnel et coiffé d’un bonnet brodé, le fermier de 54 ans prend place par une matinée ensoleillée au sabla de son quartier, dans le village de Ghala situé au sud-ouest de Mascate, la capitale.

Un cheikh apporte humblement le petit-déjeuner et le plus jeune de l’assemblée sert le café.

La convivialité brise la glace et les hommes se dirigent vers la salle de réunion où les anciens écoutent l’histoire du fermier, discutent et décident que le propriétaire des moutons versera une compensation.

« Il paiera 150 riyals (326 euros) et gardera un oeil sur ses moutons », annonce M. Temtemi, visiblement satisfait.

La tradition du sabla remonte à la nuit des temps. Et à l’arrivée au pouvoir du sultan Qabous il y a plus de quatre décennies, ce conseil local a été reconnu par le gouvernement, explique Sayid Nabhani, un ancien du village.

« Depuis le début des années 1970, un gouverneur et un juge siègent au conseil, ainsi que des témoins et des habitants », dit-il. Une solution est souvent trouvée avant l’intervention du gouverneur ou du juge.

– Sabla 2.0 –

« De nos jours, s’il y a un problème, les gens vont peut-être directement à la police ou au tribunal, pas au sabla », ajoute M. Temtemi. Mais dans les régions reculées, le sabla reste un élément central dans la société.

Dans certains endroits, il est toutefois en pleine mue.

A Saael, banlieue luxuriante de Mascate, un nouveau type de sabla est en train de voir le jour dans un bâtiment en construction. Enthousiaste, Hilal al-Siyabi, un militant de la société civile, montre du doigt l’endroit où des écrans LCD et des ordinateurs seront installés pour un futur cybercafé.

« Nous nous appuyons sur le concept de sabla pour obtenir quelque chose de bien mieux, qui soit bénéfique à la société d’aujourd’hui », dit-il, espérant voir le sabla évoluer de son rôle d’autorité de médiation à celui de forum municipal et de centre communautaire.

Il concernera toute la famille, avec un accent particulier sur la jeune génération, explique M. Siyabi.

De jeunes mères ont dit leur enthousiasme à l’idée d’un tel centre. « Nous ne travaillons pas, mais nous allons vendre nos bijoux en or pour apporter notre contribution », avaient-elles affirmé.

Selon M. Siyabi, le gouvernement a appuyé sans réserve cette initiative qui vise à préserver la tradition et à maintenir la résolution des conflits au niveau local.

– Pas de linge sale en public –

Pour l’analyste Ahmed al-Mukhaini, le sabla fonctionne tel un microcosme de l’Etat omanais: discrètement et tribalement. A Oman, « on ne lave pas son linge sale en public », souligne-t-il.

Après l’arrivée au pouvoir du Sultan Qabous, Oman n’a pas remplacé le sabla mais l’a institutionnalisé, explique cet expert. « A Oman, ils consacrent beaucoup de temps à la recherche d’un consensus par opposition aux décisions prises à la majorité ».

Les autorités continuent de reconnaître les chefs tribaux comme des représentants officiels, enregistrés auprès du ministère de l’Intérieur.

Le représentant de chaque tribu sert d’intermédiaire avec le gouvernement, que ce soit lors d’un recensement ou pour sonder les réactions locales aux changements de politique intérieure, comme les récentes propositions de privatisation des soins médicaux.

« Je n’ai connaissance d’aucun autre pays où les chefs tribaux sont salariés et où le système des cheikhs est contrôlé par le gouvernement », affirme M. Mukhaini.

Même la Choura (Conseil consultatif), unique organe élu du pays, est dominée par les poids lourds des tribus.

Quand Qabous a renversé son père lors d’un coup d’Etat en 1970, le nouveau dirigeant, éduqué au Royaume-Uni, s’est directement adressé aux tribus dans une allocution radiophonique pour les rassurer et leur promettre d’institutionnaliser leur rôle.

Signe de sa haute importance, le sabla jouera un rôle décisif dans la succession du sultan (77 ans), à son décès.

« La loi fondamentale prévoit que la nomination du prochain sultan revient au sabla de la famille royale », explique M. Mukhaini.

Et, selon lui, si la famille, les cousins de Qabous -qui n’a ni frères, ni enfants- échouent à choisir un successeur, il incombera alors au Conseil de défense, au juge suprême et à la Choura de parvenir à un consensus, cette fois au nom de la nation.

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