De nouveau, le prix de la banane s’envole. Sur les étals d’Alger, elle est affichée depuis plus d’une semaine à 650 dinars le kilogramme, voire plus. De nombreux commerçants ne la proposent plus d’ailleurs.
Les prix atteints par ce fruit ont donné des idées aux contrebandiers qui le font acheminer depuis quelques jours de Tunisie, apprend-on de professionnels de la filière.
Dans le pays voisin, la banane coûte à peine 4 dinars tunisiens au prix de gros, soit environ 170 dinars algériens. Revendue à 650 dinars le kilogramme sur le marché algérien, la plus-value réalisée est importante.
Pour rappel, dans l’intervalle entre l’interdiction de l’importation de ce fruit en 2016 et la délivrance des premières licences en avril 2017, les contrebandiers avaient eu recours au même procédé.
La banane acheminée frauduleusement alors de Tunisie, avait atteint des prix record, à plus de 1000 dinars le kilogramme. Les professionnels n’écartent pas l’éventualité de voir les prix atteindre de nouveau de tels niveaux, même si l’importation n’est pas interdite complètement, mais se trouve de fait monopolisée par un nombre restreint d’importateurs depuis la levée du système de quotas et de licences le 31 décembre 2017.
Comme nous le rapportions il y a trois semaines, le monopole créé par les mesures d’encadrement a été subtilement et illégalement maintenu après la levée de celles-ci, en soumettant les importateurs à l’obligation d’obtenir un document intitulé « autorisation préalable d’importation de produits agricoles ». Il s’agit d’un certificat phytosanitaire délivré par le ministère de l’Agriculture.
En fait, il s’agit du rétablissement en bonne et due forme du système de quotas, puisque les autorisations délivrées aux importateurs portent sur des quantités différentes. Une centaine d’opérateurs activent dans ce créneau et seule une poignée obtient des autorisations pour l’importation de grandes quantités (2 000 tonnes ou plus), dénonce un importateur, sous couvert de l’anonymat. « C’est la reconduction du système de quotas. La seule différence, c’est le changement de la partie qui les définit. C’était le ministère du Commerce, maintenant, c’est le ministère de l’Agriculture, sous une autre forme, à savoir le certificat phytosanitaire. On ne sait sur quel critère, certains sont autorisés à importer de grandes quantités, plus de 2 000 tonnes, tandis que d’autres doivent se contenter d’une centaine de tonnes. Au ministère de l’Agriculture, on refuse de nous fournir des explications », révèle notre interlocuteur.
L’importation se retrouve de fait restreinte et les opérateurs prennent une marge exorbitante, soit plus de 400, voire 500 dinars sur un seul kilogramme.
Ceux qui acheminent illégalement la banane depuis quelques jours de Tunisie font aussi une plus-value importante. En quelques années seulement, la tendance s’est inversée.
Avant 2016, la banane de contrebande prenait en effet le chemin inverse, de l’Algérie vers la Tunisie. Une étude de la Banque mondiale datant de 2014 relevait que les bananes étaient dans le top 10 des marchandises de contrebande entrant en Tunisie en provenance d’Algérie ou de Libye.
Dans le passé, notait la même étude reprise par le site de la BBC, les contacts avec le cercle du président déchu Ben Ali avait permis à certains de contourner la taxe de 36 % appliquée sur la banane. « Quatre ans après la révolution, elle est toujours en place et le marché a été inondé par les bananes de contrebande », écrivait le média britannique.
La flambée des prix de la banane sur le marché algérien est injustifiée, d’autant plus que la levée du système des quotas et des licences aurait dû logiquement induire leur baisse.
Le ministère de l’Agriculture, qui se confine dans le silence, est appelé à s’expliquer sur l’octroi de ces autorisations que certains importateurs apparentent à une nouvelle forme de monopole.
Le grand perdant reste bien sûr le consommateur qui paye à 650 dinars un produit qui n’aurait jamais dû dépasser 200 ou 250 dinars le kilo. Sur les marchés mondiaux, la banane est vendue entre l’équivalent de 70 et 80 dinars. Si l’on ajoute la taxe douanière qui est de 100 %, son prix de revient serait au maximum de 160 ou 170 dinars en comptant les frais de logistique. Par quel miracle est-elle vendue à 650 dinars ?