Économie

À quand le réveil d’Algérie Télécom ?

Depuis début 2016, les Algériens détenteurs d’une carte de paiement internationale ont la possibilité de s’abonner à Netflix. Le géant américain propose des séries et des films en streaming pour un abonnement mensuel de 7,99 dollars.

Comme les autres géants mondiaux d’Internet qui proposent leurs services en Algérie (Google, Facebook, Amazon…), Netflix présente deux inconvénients majeurs : il est gourmand en bande passante internet et ses revenus ne sont soumis à aucune taxe en Algérie. Aussi, dans certains cas, ces géants sont en concurrence directe avec des acteurs locaux. C’est le cas pour Facebook et Google qui captent désormais une grande partie des dépenses publicitaires au détriment des médias algériens, nouveaux ou traditionnels.

Des services gourmands et coûteux

En plus de ce manque à gagner, l’explosion de l’utilisation de ces services gourmands en bande passante a un coût : Algérie Télécom doit investir des centaines de millions de dollars annuellement pour développer des infrastructures capables de supporter un trafic en constante hausse. Ces investissements, qui nécessitent souvent l’acquisition d’équipements de dernière génération, sont réalisés presque exclusivement en devises sur des budgets publics, le groupe n’étant pas rentable pour financer ses investissements. N’ayant acquis aucun savoir-faire en matière de déploiement et de gestion des réseaux, Algérie Télécom confie l’ensemble de la prestation à des entreprises étrangères, comme le chinois Huawei.

L’autre principal enjeu concerne la gestion de la relation finale avec le client, la fameuse question des données. Les géants d’Internet ont court-circuité les opérateurs. Ils collectent les données sur les utilisateurs qui valent des fortunes et qui sont au centre d’enjeux qui vont au-delà des simples aspects financiers, touchant jusqu’aux questions de la sécurité des États.

Algérie Télécom n’est pas le seul à être pénalisé. Dans le monde entier, les opérateurs télécoms sont confrontés au même défi : ils doivent investir massivement dans les infrastructures pour répondre aux attentes de leurs clients mais ces investissements profitent essentiellement aux géants mondiaux des contenus. Souvent, pour les opérateurs, les revenus issus des abonnements à Internet ne sont pas proportionnels aux investissements réalisés. Le coût des nouvelles infrastructures est de plus en plus élevé alors que les prix des abonnements, eux, sont souvent stables, voire en baisse, sous l’effet de la dérégulation et de la concurrence.

En Algérie, l’opérateur historique n’est pas pénalisé par la dérégulation. Il n’est pas non plus confronté à une concurrence dans l’accès ADSL, vu qu’il détient encore le monopole. Mais il est limité par le pouvoir d’achat de ses clients. L’opérateur ne peut pas augmenter indéfiniment les prix de ses abonnements Internet au risque de les rendre inaccessibles à la majorité de la population algérienne.

Que faire face à cette situation ? Les États-Unis, pays d’où sont issus la majorité des géants du net, ont opté pour une solution radicale, qui est de mettre fin au principe de la neutralité du Net. Jusque-là, presque partout dans le monde, les opérateurs traitent tous les flux de données de la même manière, sans prendre en compte leur source, leur destination ou la nature des contenus. Mais, en décembre 2017, la Commission fédérale des télécommunications, qui fait office d’autorité de régulation aux États-Unis, avait autorisé les fournisseurs d’accès à Internet à moduler la vitesse du débit en fonction du contenu, qui peut donc être celui d’un réseau social, d’un moteur de recherche, d’une plate-forme de vente…

Nouvelles stratégies

Un pas que le reste du monde hésite encore à franchir, estimant que cela ne ferait que renforcer l’hégémonie des géants mondiaux des contenus en ce sens que ce sont eux qui ont les moyens de s’offrir les meilleurs débits, et pourrait même servir de levier pour certains États afin de limiter le champ d’expression de courants dissidents.

Sans aller vers cette solution extrême, les autres États avancés ne sont pas restés les bras croisés. Les opérateurs ont initié des stratégies visant à transformer leur business modèle. De simples opérateurs de réseau, il y a encore 10 ans, beaucoup se sont transformés, devenant également des fournisseurs de contenus. Certains se sont même lancés dans de nouveaux métiers comme la banque, la diffusion de films et de matches de football et la cyber-sécurité.

Objectif pour les opérateurs : garder la relation directe avec leurs clients – l’enjeu de la data et de la collecte de données – et profiter de leur réseau pour proposer des services à forte valeur ajoutée qui constituent des relais de croissance importants.

En Algérie, l’opérateur historique n’a toujours pas de stratégie face à cette évolution du secteur des télécommunications. Ses dernières annonces donnent l’image d’un opérateur qui a au moins 20 ans de retard. Ce samedi, Algérie Télécom a annoncé dans un communiqué relayé par l’agence officielle avoir lancé un service permettant de réserver une ligne de téléphone fixe via Internet.

Quant aux enjeux de la data, il semble les ignorer totalement : dans l’une de ses récentes publicités, il fait la promotion de l’accès à…Facebook, au même titre que les opérateurs mobiles (3G et 4G) qui proposent deux formules, une payante et une autre gratuite, pour l’accès au célèbre réseau planétaire qui, sans doute, n’en demandait pas tant…

 

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