Le chef d’état-major de l’ANP a prononcé deux discours, hier lundi et aujourd’hui mardi. À qui s’adressait-il ?
Mokhtar-Saïd Mediouni, officier supérieur de l’ANP à la retraite : Vous savez très bien que dans des situations de crise aigüe, dans un pays comme le nôtre, il y a des puissances étrangères et des gens qui n’aiment pas ce pays et qui voudraient le voir au même titre que certains pays qui ont été complètement détruits. Et qui agissent pour des intérêts occultes qui ne sont pas dans l’intérêt des Algériens. Mais uniquement pour leur bien et leurs plans géopolitiques dans notre région. Quand nous avons commencé le Hirak le 22 février, c’était pour demander d’abord d’annuler le 5e mandat pour l’ex-président, et d’aller vers des élections tout en combattant la corruption. Ceci a été fait et va continuer à se faire. On a aujourd’hui une justice très active. Il y a même des audiences qui se déroulent la nuit, c’est pour vous dire qu’il y a des gens qui veillent. Pour les élections, les garanties ont été données pour que l’Autorité chargée de l’organisation des élections soit indépendante et qu’elle ne comprendra pas des membres de l’ancien système. Je pense que c’est une garantie qu’il faut prendre au sérieux. Par ailleurs, à travers le dialogue, des gens essaient de trouver des mécanismes réglementaires pour aller vers cette commission et pour voir comment elle doit fonctionner. Le gouvernement Bedoui n’aura aucun rôle à jouer dans les prochaines élections. Il ne s’occupera que de la logistique. À partir de ce moment, je pense que les garanties d’une sortie de crise sont données, et un président démocratiquement élu est la clé pour résoudre tous les problèmes.
Dans son discours diffusé ce mardi, le chef d’état-major a parlé de mines semées dans les institutions. De quoi s’agit-il ?
Je ne suis pas dans le secret des dieux, comme on dit, mais dans son discours d’hier, le chef d’état-major a dit que nous avons des preuves tangibles, palpables et prouvées de la présence de ces gens-là et pour qui ils travaillent et activent. Je pense que si le chef d’état-major de l’ANP l’a annoncé dans son discours, c’est qu’il a des preuves, les noms des entités dans certains dossiers que nous ignorons actuellement.
Que reproche-t-on à ces « entités » ?
Bloquer tout le processus démocratique et ne pas aller aux élections. Je pense qu’il s’agit de manœuvres qui ne sont pas au service de la nation algérienne et de l’unité nationale. L’intérêt suprême de la nation ne permettra à pas quiconque de toucher à son unité. Lorsqu’on arrive à une certaine limite, je pense que l’armée nationale, et cela explique ce discours de fermeté, conformément à l’article 28 de la Constitution, est là pour défendre l’unité nationale et le peuple algérien. Aujourd’hui, s’il y a des complots qui sont en train de se tramer contre le peuple algérien, et si l’armée le dit c’est qu’elle a des preuves. Je pense qu’il est temps qu’on soit plus ferme et qu’on combatte ces gens-là.
Dans son discours, le chef d’état-major s’en est encore pris à la « bande et ses acolytes ». Comment explique qu’on continue de parler de la « içaba » alors que ses principaux “parrains” sont eux en prison ?
Mais vous savez très bien qu’il y a des gens qui sont en fuite, la « içaba » n’est pas totalement en prison. Il y a des mandats d’arrêt qui ont été lancés, des personnes ont pris la fuite au début de la campagne de lutte contre la corruption. Il y a encore l’argent de la « içaba » qui circule encore. Comment expliquer que des chaines TV installées à l’étranger, qui n’ont pas de publicité, arrivent à fonctionner sans interruption ? C’est grâce à l’argent de « içaba » et ses relais. Malheureusement pour eux, nous avons une armée qui est très professionnelle, et qui a eu tous les moyens pour les démasquer. Je pense que prochainement, nous saurons qui et avec qui ils fonctionnaient et avec quel agenda.
Le chef d’état-major a rejeté une nouvelle fois l’option de la période de transition alors que le pays est de fait en transition. Qu’est-ce qui pose problème dans cette transition ?
On est dans une transition constitutionnelle, on est donc toujours dans le cadre de la constitution. Ce qui a protégé ce pays de dérives atroces, c’est que l’on soit resté dans la constitution depuis le départ. Il y a un État qui fonctionne, qu’on le veuille ou non, alors imaginez que demain on passe à une période de transition, combien de temps va-t-elle durer ? Quelles sont les issues ? N’allons-nous pas détruire complètement l’existence même de la nation algérienne ? Je pense qu’il y a des expériences autour de nous qu’il faut méditer. Des peuples, qui ont choisi une période de transition, regrettent aujourd’hui la stabilité qu’ils avaient avant pour eux et pour leurs enfants.