Abdelaziz Rahabi a plaidé ce dimanche pour l’adoption d’un arsenal juridique qui clarifie les relations entre les médias, le pouvoir et la société, seul à même de hisser la presse au rôle d’un véritable contre-pouvoir.
« La situation des médias en Algérie ne changera pas, sans la mise en place d’un arsenal juridique qui régule les relations avec l’autorité et la société. la construction du système dont je parle nécessité de ne laisser aucun vide juridique », soutient l’ancien ministre de la Communication.
« À ce jour, aucune loi en Algérie ne réglemente la publicité, le sondage d’opinion, le financement ou l’ouverture des bureaux des correspondants étrangers », remarque Abdelaziz Rahabi dans un entretien au quotidien El Khabar, publié ce dimanche.
« Un journaliste dans ce climat ne se sent pas protégé », dit-il en rappelant que du temps où il était ministre, sous la présidence de Liamine Zeroual, il avait initié deux projets de Loi, l’un sur la publicité qui sera gelée par Bouteflika et l’autre sur le sondage d’opinion.
Tout comme il avait constaté que « c’était l’administration et les groupes d’influence qui géraient la presse ». « En effet, la loi promulguant la suppression du monopole de l’Anep a été adopté au Parlement en février 1999, mais lorsque l’ancien président Abdelaziz Bouteflika est arrivé, il l’a gelée en septembre de la même année », rappelle-t-il, en soulignant qu' »aujourd’hui, comme vous le savez, il n’y a pas de rôle pour l’Anep, sauf pour la distribution de la rente, que je considère comme un gros problème car je suis contre l’idée que le pouvoir distribue ». « Et si le pouvoir intervient dans les questions non stratégiques, il perd de son vrai rôle », prévient-il.
Selon lui, « si nous voulons faire de la presse un contre-pouvoir qui crée l’équilibre et donne la parole aux faibles, nous devons emprunter un processus complet ».
« Si nous voulons accélérer ce processus, nous devons mettre la presse sous la coupe de la loi et la dédier au service de l’intérêt suprême du pays. Je pense que le journalisme, par principe, doit être au service des intérêts du pays loin des divergences idéologiques », insiste-il.
Ce concept des « intérêts de l’État » qui est élastique n’ouvre-t-il pas la voix aux multiples pressions du pouvoir ?
« Si la presse veut être une autorité, elle doit observer certaines règles, car ce qui correspond à la liberté, c’est la responsabilité. D’autre part, il est nécessaire de garantir une marge de liberté à la presse et de renoncer aux pratiques passées telles que l’utilisation de la publicité, les imprimeries et toutes les formes de pression sur le travail journalistique. C’est le problème qui se pose aujourd’hui, et il ne sera certainement pas résolu dans un mois ou deux. En atteignant l’état naturel qui consiste à construire un système qui est seulement réglementé par la loi, il sera de la responsabilité du journaliste de pratiquer son travail dans un cadre correct (…) ».
Abdelaziz Rahabi estime que l’Algérie ne dispose pas d’un système médiatique à la hauteur de ses ambitions. Il soutient que les pratiques en cours jusque-là, notamment chez la presse publique, doivent cesser.
« Les médias ont longtemps suivi les directives. Aujourd’hui, il existe une opportunité historique, en particulier pour les médias publics, de gagner en crédibilité en étant objectifs, et en s’ouvrant à l’opposition et en cessant de se considérer comme un porte-voix du pouvoir. Par conséquent, j’insiste sur la nécessité de construire un système médiatique qui obéit à la loi, qui rompt définitivement avec ces pratiques », plaide-t-il.
« Si l’on regarde, par exemple, l’expérience de la presse écrite en Algérie, on constate qu’elle a gagné en crédibilité en mettant fin à la dépendance de l’opinion publique nationale vis-à-vis de l’étranger. En revanche, d’importants travaux attendent la télévision. Ce qui a été réalisé pour les journalistes, c’est grâce à leur lutte et les gouvernements n’y ont joué aucun rôle. Ce que je veux dire, c’est qu’il est dans l’intérêt de tous, y compris du pouvoir, que les médias en Algérie soient forts, car c’est une question de souveraineté nationale ».
C’est pourquoi, à ses yeux, la volonté politique doit présider à ce renouveau. « La volonté politique seule fait que la presse peut constituer une partie de l’organisation des pouvoirs fondamentaux, en étant indépendante, éloignée des pouvoirs de la politique et de l’argent, et cela ne peut se faire qu’en créant des lois qui régulent le travail journalistique et ses libertés », conclut-il.