Politique

Abdelaziz Rahabi : « Personnellement, ça me fait peur »

C’est fort de son expérience de « 22 ans au sein de l’État et autant dans l’opposition » que Abdelaziz Rahabi s’est exprimé sur l’état de l’opposition politique en Algérie.

Le diplomate et ancien ministre était invité jeudi à une journée parlementaire sur le même thème, organisée par le Mouvement de la société pour la paix (MSP), première force de l’opposition à l’Assemblée populaire nationale (APN).

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Abdelaziz Rahabi a d’emblée fait état d’une « diabolisation de l’opposition » qui remonte aux premières années de l’indépendance de l’Algérie, marquées par « la pensée unique » et la « la légitimité révolutionnaire du pouvoir ».

L’opposition en Algérie a parfois été accusée d’être à la solde de l’étranger, ce qui est faux, selon le diplomate qui estime que l’étranger a besoin de régimes forts et stables. « L’Occident n’a jamais demandé au Tiers Monde d’être démocratique, au contraire il a contribué à avorter les expériences démocratiques », dit-il.

Le pouvoir algérien a aussi atomisé l’opposition en multipliant les partis, ce qui a induit l’atomisation de la représentation politique dans la société, remarque Abdelaziz Rahabi.

Il a aussi tenté de « faire peur aux Algériens de la transition démocratique, présentée comme une autorité de transition », poursuit le diplomate et figure de l’opposition en Algérie.

Or, rectifie Rahabi Rahabi, « l’opposition n’a jamais demandé une autorité de transition. Elle a demandé de faire du mandat présidentiel, y compris l’actuel, un mandat de transition pour passer d’un régime non démocratique à un régime démocratique ».

Il rappelle les conférences de Mazafran 1 et 2 en 2014 et 2016 ou celle de Ain Benian en 2019 où l’opposition a proposé une transition dans le cadre d’un processus consensuel mais « le pouvoir n’a jamais répondu ».  Il ne l’a fait que lorsque le Hirak l’a « isolé », mais là, c’est l’opposition qui a refusé, faute d’entente dans ses rangs.

L’ancien ministre de la Communication pointe aussi l’idée répandue et qui veut que le peuple algérien ne soit « pas prêt pour la démocratie ». « Je l’ai entendu de plusieurs hauts responsables », assure-t-il.

« Ça relève de l’anthropologie coloniale. Ça s’explique par le fait que le pouvoir politique n’est pas prêt pour rendre des comptes », assène Abdelaziz Rahabi.

Malgré tout, l’opposition politique en Algérie compte à son actif plusieurs « réalisations » que l’orateur égrène.

Elle a adopté l’idée du consensus depuis 14 ans et admis que même si elle n’est pas responsable de la crise, elle a une responsabilité dans la recherche de la solution.

Rahabi : « Personnellement, ça me fait peur »

Abdelaziz Rahabi ajoute que l’opposition algérienne n’est pas une opposition « aventurière », car elle n’a pas demandé aux gens de sortir dans la rue. Cette opposition fait la distinction entre l’État et le pouvoir et est consensuelle sur les politiques étrangère et de défense, selon lui.

En Algérie, poursuit Abdelaziz Rahabi, l’opposition  a aussi toujours considéré que la démocratie est une revendication interne et tenté d’être l’intermédiaire entre le pouvoir et la société.

Mais, regrette Rahabi, lorsque le pétrole monte, le pouvoir ne donne pas d’importance aux partis et ne cherche pas d’intermédiaire, rappelant que dans les années 2010, le président de la République était « sacralisé » et « considérait qu’il peut traiter avec le peuple directement sans passer par le gouvernement ou les partis ».

« C’est courant dans les régimes arabes. C’est du populisme. Le pouvoir absolu génère la corruption absolue », tonne-t-il. C’est aussi l’opposition qui a contribué à attirer l’attention sur la corruption, rappelle-t-il.

Aujourd’hui il y a trois acteurs sur la scène nationale, selon Rahabi :  le pouvoir, les réseaux sociaux et « ce qui reste de l’opposition ».

« Ce qui intéresse aujourd’hui le pouvoir, c’est les réseaux sociaux. L’opposition est transférée à Paris, Canada ou Londres. Le pouvoir est plus attentif à ce qui se dit sur les réseaux sociaux que par ce que dit l’opposition. C’est un phénomène nouveau, l’opposition faceboukienne est plus influente que les opposants politiques. Personnellement, ça me fait peur », avoue-t-il.

Revenant sur le Hirak, Abdelaziz Rahabi estime que s’il n’a pas réussi, c’est à cause de « la polarisation au sein du pouvoir et dans le Hirak ». À propos de cette période, il a tenu à rendre hommage à Abdelkader Bensalah, qui a assuré l’intérim de la présidence de la République après la démission du président Abdelaziz Bouteflika, un homme « modéré » qui a tenté de favoriser une transition « douce ».

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