ENTRETIEN – LEGISLATIVES. Abdelmadjid Menasra, président du Front du changement(FC), est tête de liste à Alger de l’Alliance du Mouvement de la société pour la paix.
Vous êtes candidat au nom de deux partis islamistes, le Front du changement et le MSP réunis en alliance. Que deviendra cette alliance après les élections législatives ?
Le projet d’unité sera concrétisé les 19 et 20 mai 2017 lors d’un congrès de consensus pour fusionner les deux partis en un seul. Nous sommes entrés dans ces élections avec ce projet pour construire un mouvement fort. Nous savons que la démocratie et l’opposition ont besoin de partis forts. L’État a besoin d’une opposition forte.
Nous ne pouvons affronter l’oppression et la corruption ou mettre en pratique nos idées sans forces politiques qui croient à la démocratie. L’éparpillement et les divisions vont dans le sens du maintien du statu quo. La décision d’union, qui est consciente et stratégique, sert l’intérêt de l’Algérie.
Il y a aussi l’autre alliance, celle formée par El Nahda, El Adala et El Bina…
Nous n’avons pas de projet d’union avec ce groupe mais nous voulons que nous ayons avec les autres une coopération et une coordination sur les facteurs communs. Cela concerne autant les partis islamistes que les partis nationalistes, laïcs ou démocratiques. Nous sommes favorables à un dialogue rassembleur et responsable.
La situation actuelle exige un consensus national politique, économique et social. Elle n’a pas besoin de la domination d’une majorité, d’un parti ou d’un courant. Une fois le processus de transformation démocratique, qui a débuté en 1989, achevé avec succès, la concurrence sera possible entre les partis sans craindre qu’une formation domine. Le consensus sera sur la nature du régime et de l’État ainsi que sur l’identité. Après, on peut ne pas être d’accord dans les programmes à adopter.
Ce consensus est-il possible entre tous les partis d’opposition ?
L’opposition a fait preuve de maturité politique. Elle a pu s’entendre sur une plate-forme commune (Plate-forme de Mazafran, NDLR) allant dans le sens de la transition démocratique que j’appelle transformation. Il n’était pas demandé à l’opposition de se regrouper en un seul parti et de prendre une décision collective sur la participation ou non aux élections.
Il y a des divergences idéologiques. Nous ne voulons pas que le pluralisme mute en un système de parti unique. Nous voulons un consensus entre le pouvoir, l’opposition et les partis du pouvoir sur un minimum politique qu’impose la situation difficile actuelle du pays.
Dans deux ans, nous serons dans l’incapacité d’assurer les salaires et les besoins de base du citoyen. La situation sécuritaire dans la sous-région est intenable. Nous subissons des pressions extérieures. Il n’y a qu’à citer la menace de l’Italie de ne plus acheter le gaz algérien.
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De plus, la situation sociale est inquiétante. La société sent qu’on lui vole ses espoirs et son avenir à travers ce qu’elle voit comme affaires de corruption et de scandales. Elle constate que des groupes d’intérêt tentent d’user de leur influence et de l’argent pour corrompre la vie politique. La situation ne tolère donc plus la fraude, le maintien de la même majorité ou la perte d’occasions politiques et économiques.
Quelles sont les garanties pour que les législatives du 4 mai ne soient pas entachées d’irrégularités ?
Nous n’avons pas de garanties légales et constitutionnelles suffisantes. Nous voulons que la volonté du président de la République d’organiser des élections honnêtes se transforme en engagement. Nous espérons que l’administration respecte cette volonté.
Avec tout mon respect pour M. Derbal et les membres de son équipe, la Haute instance de surveillance des élections est un décor électoral. Elle n’a pas de prérogatives pour contrôler le scrutin. Il y a plus de 50.000 bureaux de vote et la HISE compte 410 membres. Comment peut-elle garantir l’honnêteté des élections ? Nous ne comptons pas sur cette instance.
Pour les observateurs étrangers, certains se comportent comme des touristes. Ceux délégués par l’Union européenne refusent d’être des surveillants, se contentent du rôle d’observation. L’UE considère que les élections en Algérie ne réunissent pas les critères internationaux d’honnêteté.
Une participation modeste peut-elle signifier le manque de confiance envers le Parlement ?
C’est une partie de la vérité. Les gens ne votent pas parce qu’ils ont constaté que les élections n’apportent pas de changements. Les élections fabriquent les alternatives. Mais quand le scrutin reconduit à chaque fois la même majorité, le peuple sent qu’il n’a aucun rôle à jouer en votant.
Quelle évaluation faite vous de l’APN sortante ?
C’est le plus mauvais Parlement que nous ayons eus. Il ressemble au Parlement de Hosni Moubarek de 2010. C’est une assemblée qui n’a même pas servi le pouvoir. Au contraire, elle lui a crée des problèmes. La vie institutionnelle et politique au sein de l’APN élue en 2012 était ennuyeuse et non convaincante. Je pense que le Parlement de 2017 va se rapprocher de celui de 1997.
Nous avons constaté que le gouvernement ne présentait pas de bilan annuel devant le Parlement. C’est un dépassement et un manque de respect de la représentation nationale et de la loi. Le gouvernement actuel sombre dans la confusion et prend des décisions avant de les annuler. Il y a parfois des contradictions entre les ministres. D’autres ministres se comportent d’une manière tyrannique. Le gouvernement a échoué à régler beaucoup de problèmes. Il faut aller vers un gouvernement politique.
C’est à dire un gouvernement de partis ?
Le gouvernement prochain doit absorber le maximum de forces politiques pour assurer le passage en cette période difficile pour la sauvegarde de l’État et pour la rationalisation des dépenses. Il faut en finir avec le gaspillage et la distribution des enveloppes dans les wilayas et encourager l’investissement pour créer de la valeur ajoutée et de l’emploi.
Certains voix disent que les législatives du 4 mai 2017 préparent les présidentielles de 2019. Qu’en pensez-vous ?
C’est une manière de piéger les législatives. Il reste encore deux ans pour les présidentielles. Il faut laisser les Algériens choisir d’abord les députés et ne pas les enchaîner avec d’autres choix.