La rencontre nationale de concertation du Hirak de Kherrata, qui devait se tenir hier dans cette ville historique, a été reportée. Le président de RAJ Abdelouhab Fersaoui, qui a proposé sa tenue la mi-avril dernier, explique les raisons.
Une rencontre de concertation nationale du Hirak devait se tenir hier samedi 8 à Kherrata, mais elle a été reportée. Pourquoi ?
Les Hirakistes de Kherrata qui ont été derrière l’initiative ont annoncé à travers un communiqué son report à une autre date ultérieure, et cela, afin de mieux l’organiser et assurer sa réussite.
Par contre, ils ont maintenu la marche (samedi 8 mai, ndlr) qui est une réussite. Des milliers de Hirakistes, de différentes wilayas, étaient présents dans cette ville, pour prendre part à la commémoration du 76e anniversaire des massacres du 08 mai 45. À l’occasion, je salue les Hirakistes de Kherrata pour l’initiative et je leur souhaite plein succès et de réussite pour la prochaine rencontre qui est toujours d’actualité.
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Vous avez déclaré il y a quelques jours que l’An III du Hirak doit être une année politique. De quelle manière ?
Je dirais que le retour des marches à l’occasion du 2e anniversaire du Hirak (22 février 2019) après avoir été suspendue en raison de la crise sanitaire (Covid), reflète l’engagement et la détermination du peuple algérien afin de continuer son combat et sa lutte pour le changement pacifique du régime.
Les raisons pour lesquelles des millions d’Algériens sont sortis à partir de février 2019 sont toujours là, la situation n’a pas changé. C’est pourquoi je considère que le retour des marches est important et indispensable afin de maintenir une pression pacifique dans la rue.
Mais cela reste insuffisant. Cette mobilisation doit être accompagnée par un travail politique. Je considère, aujourd’hui, que le peuple algérien est demandeur d’une issue politique.
Les Hirakistes sortent chaque vendredi et mardi pour les étudiants, mais ils ont besoin d’un horizon, d’avoir une feuille de route consensuelle et rassembleuse qui contient les mécanismes et les fondements qui vont amorcer un véritable processus de changement démocratique et pacifique du régime.
Après le retour des marches, je pense qu’il est important d’échanger, discuter et de débattre au sein du Hirak en vue de rapprocher les visions et sortir avec une vision consensuelle.
Laquelle vision, plateforme ou feuille de route, va donner un nouveau souffle au Hirak. C’est le chemin le plus efficace pour inscrire le mouvement citoyen dans la durée.
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“La feuille de route du pouvoir a montré ses limites“
Malgré le retour du Hirak, le pouvoir maintient sa feuille de route. Il a décidé d’organiser des législatives le 12 juin. Comment l’expliquez-vous ?
La feuille de route du pouvoir a montré ses limites depuis deux ans. Laquelle feuille de route est basée beaucoup plus sur l’approche sécuritaire à travers la répression et l’emprisonnement des militants du Hirak.
Il est convenu désormais que cette approche n’a pas pu diviser ou bien arrêter cette mobilisation populaire pacifique au niveau national. Elle a eu même l’effet contraire en renforçant davantage la détermination des Algériens et en accentuant la rupture entre ces derniers et le pouvoir politique.
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L’agenda du pouvoir est basé sur l’organisation des élections alors que le peuple algérien est arrivé à un point où il est conscient que la tenue d’élections dans le contexte actuel ne constitue pas une solution.
La preuve s’il en est que l’Algérie a organisé des dizaines d’élections depuis 1989 (ouverture démocratique ayant suivi le soulèvement du 5 octobre 1988, ndlr) et à ce jour, il n’y a pas de changement.
De même, le pouvoir a imposé les élections du 12/12 (présidentielles du 12 décembre 2019), malgré leur rejet par la grande partie du peuple algérien. Il a imposé la révision constitutionnelle unilatéralement et à sa manière, contre la volonté populaire.
Résultat : le peuple est toujours dans la rue parce que tout cela est un replâtrage politique. Le peuple veut changer le système en changeant les pratiques et les réflexes, et en permettant également aux Algériens d’exercer leur citoyenneté, leur liberté et leurs droits.
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Nous constatons aujourd’hui que c’est tout le contraire qui se produit sur le terrain. Le pouvoir fait tout le contraire de ce qu’il dit : il parle de la démocratie, de l’État de droit et du respect des libertés, mais sur le terrain les Algériens croupissent en prison pour leur opinion, les sites électroniques d’informations sont censurés, le champ médiatique tant public que privé est fermé, l’espace public est également fermé…
Voilà une situation qui ne rassure pas et qui démontre encore une fois que le pouvoir n’a pas une volonté politique pour un véritable changement.
Cet entêtement ne peut qu’aggraver la situation et compliquer la crise qui est déjà profonde et multidimensionnelle.