Bon an mal an, les accidents de la route fauchent entre 3 500 et 4 000 vies humaines en Algérie. L’année passée, un peu plus de 3600 personnes ont laissé la vie sur les routes dans quelque 25 000 sinistres.
Une légère tendance à la baisse est enregistrée, mais les chiffres demeurent extrêmement élevés proportionnellement au nombre d’habitants et surtout à la taille du parc automobile national, estimé à six millions d’unités.
Pour saisir l’ampleur du désastre, essayons une petite comparaison, avec la France bien sûr : avec son immense parc de 40 millions de véhicules, sa population avoisinant les 70 millions d’habitants et autant de touristes qui y séjournent chaque année, ce pays enregistre moins de décès sur les routes que l’Algérie (3400 en 2017).
Depuis l’indépendance, le nombre cumulé de victimes s’apparente à un bilan de guerre, ce qui, en principe devrait hisser la lutte contre le phénomène au rang de priorité nationale.
Dire que l’Algérie ne fait rien pour arrêter l’hécatombe serait inexact. La législation est sans cesse mise à jour avec des clauses de plus en plus répressives, les différents corps de sécurité sont bien fournis en effectifs et moyens ultramodernes, un centre national de prévention routière est mis en place avec un budget conséquent et des campagnes de sensibilisation sont régulièrement menées. Mais est-ce suffisant ?
Au vu des chiffres macabres communiqués à chaque fin d’année, on est tenté de répondre par la négative, même si, à y voir de plus près, le problème ne réside pas dans les moyens humains et matériels ainsi que dans les outils législatifs mis en œuvre.
La bonne interrogation serait donc celle-ci : l’Algérie fait-elle ce qu’il faut pour juguler le terrorisme routier ? Les actions menées ciblent-elles les véritables causes des accidents ? Là, le doute est permis, non seulement à cause du nombre de victimes qui demeure à des seuils élevés, mais aussi parce que les mêmes causes sont incriminées dans chaque bilan, sans susciter une réaction énergique et des mesures spécifiques. C’est le cas du comportement quasi criminel de certains chauffeurs de poids lourds.
Les facteurs d’accidents sont maintenant largement identifiés et même hiérarchisés. On sait par exemple que le gros des victimes sur les routes est causé par les camions de gros tonnage et les bus de transport de voyageurs.
Comme ce lundi 11 juin, sur l’autoroute Est-Ouest au niveau de Lakhdaria (Bouira), où une collision a eu lieu entre deux camions et un bus de transport de voyageurs. Bilan : deux morts et six blessés.
Plus d’une fois, on a entendu des responsables de différents niveaux envisager de nouvelles mesures et promettre l’enfer aux chauffards, sans suite, hélas. Sur les principaux axes routiers, notamment les autoroutes, les mastodontes d’acier continuent de semer la mort, et au vu de certains comportements auxquels on assiste, on se demande bien si ces délinquants de la route n’ont pas un sentiment d’impunité. Excès de vitesse, surcharge, conduite sur la voie de gauche, manœuvres dangereuses…
Sur les réseaux sociaux, on a même vu des vidéos de gros tracteurs avec remorque prenant l’autoroute en sens inverse, à vive allure. La volonté de tuer est manifeste. Parfois, c’est la pression du travail et du gain qui fait prendre à certains chauffeurs des risques insensés, comme la conduite durant de longues heures, sans repos.
Les accidents impliquant bus ou camions sont quotidiens, d’où la question inévitable à chaque fois qu’un grave danger plane sur la sécurité publique : que font les services de sécurité ?
Les services de sécurité tentent de faire leur travail, mais une succession de dysfonctionnements et de méthodes désuètes a fini par castrer leur action.
Déjà que policiers et gendarmes ne sont pas présents en force sur certains axes routiers, mais même quand ils le sont, leurs méthodes sont d’une inefficacité criante, avec notamment des barrages fixes et des radars aux mêmes endroits, ce qui n’est pas le meilleur moyen de surprendre les habitués. Aussi, il arrive certes qu’un chauffard soit pris en flagrant délit, mais il peut toujours récupérer son permis retiré en faisant actionner ses connaissances, où celles de son employeur.
Cela dit, le travail des agents de l’ordre aurait bien pu être simplifié si le gouvernement était allé au bout de son idée de doter les gros camions de mouchards, une méthode peu coûteuse et terriblement efficace. Tiens, une explication concernant cette autre reculade ne sera pas de trop…