Économie

Adhésion à la banque des Brics : quel intérêt pour l’Algérie ?

Brahim Guendouzi, Professeur d’économie à l’université de Tizi-Ouzou, explique dans cet entretien, l’intérêt pour l’Algérie d’adhérer à la Banque des Brics.

Il revient aussi sur la viabilité du système des subventions généralisées, les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la hausse des prix, le retour en force du secteur public…

L’Algérie a adhéré officiellement à la banque des BRICS. Quel intérêt pour l’Algérie d’adhérer à cette banque ?

De nombreux pays, dont l’Algérie, ont exprimé leur volonté d’adhérer au groupe Brics, lequel promet d’être le grand défenseur du « Sud global », et ce, dans un contexte d’insatisfaction généralisée à l’égard de l’ordre économique mondial dominé par l’endettement public et par le dollar.

En 2023, l’Algérie a demandé son adhésion à la Nouvelle Banque de développement (NDB) créée par le groupe BRICS, pour devenir membre avec un apport de deux milliards de dollars.

L’Algérie partage la même vision que les Brics en matière de gouvernance de l’économie mondiale dominée par les institutions de Bretton Woods, en l’occurrence le FMI et la Banque mondiale.

Étant partie intégrante du « Sud global », l’Algérie est très attentive par rapport à son évolution sur le long terme, notamment sur les enjeux financiers et monétaires.

Aussi, est-il attendu une participation à une plus grande coopération en matière de développement durable, énergétique ainsi qu’en termes d’investissements et de financements entre les pays en développement et pays émergents.

Quel type de financements peut-elle obtenir de la banque des Brics ?

L’Algérie pourrait bénéficier de financements portant sur des projets structurants, particulièrement en matière d’infrastructures économiques, ainsi que d’expertise dans les montages financiers avec d’autres partenaires sur des investissements productifs à forte valeur ajoutée.

L’aspect informationnel est aussi important, lorsqu’un pays siège en tant que membre d’une importante banque de développement comme la NDB, qui agit en tant qu’acteur sur les marchés financiers internationaux pour lever des fonds et qui procède à d’importants arbitrages en matière de financement à travers le monde.

Malgré les difficultés du secteur économique public, nous assistons à une reprise en main par l’État algérien de plusieurs secteurs de l’économie nationale, comme l’industrie, le transport maritime, et même les viandes blanches et rouges. Qu’est-ce qui explique ce choix ?

Les capitaux marchands de l’État, particulièrement les entreprises publiques économiques (EPE), pour un grand nombre d’entre elles, rencontrent des difficultés structurelles, notamment un désinvestissement, un déficit financier et un sureffectif.

On assiste effectivement à un renforcement sur les plans structurel et financier du secteur public, pouvant se justifier par la faiblesse de la régulation ainsi que par les effets induits d’une forte inflation.

Il n’en demeure pas moins que la situation des capitaux marchands de l’État, appelle à une nouvelle vision dans laquelle la régulation et la gouvernance devront constituer les deux piliers à travers lesquels les pouvoirs publics devront agir dans le domaine économique tout en permettant au marché de jouer le rôle qui lui sied afin d’avoir une allocation optimale des ressources.

Espérant qu’avec la nouvelle magistrature qui s’ouvre, les capitaux marchands de l’État feront l’objet d’une plus grande attention avec la mise en œuvre d’une réforme à la hauteur de leur importance.

D’un autre côté, le secteur privé est appelé à plus d’implication tant sur le plan des investissements que par rapport au partenariat public-privé (PPP) dont on attend toujours les nouveaux textes juridiques.

Tout en misant sur le secteur public, le gouvernement affiche sa volonté de plafonner les prix des produits de consommation. L’Algérie n’est-elle pas en train d’opérer un retour à l’économie dirigée ?

La dépendance en grande partie du marché international pour les approvisionnements en produits alimentaires, ainsi que la désorganisation des réseaux de distribution, ont rendu nécessaire une certaine action volontariste des pouvoirs publics à vouloir mieux maîtriser les prix.

Le recours au plafonnement des prix des produits de large consommation, s’avère l’instrument privilégié qui a été choisi dans cette situation.

Mais cela reste conjoncturel pour ne pas aller à l’encontre de la liberté des prix et le fonctionnement des règles du marché.

Aussi, est-il nécessaire de laisser les opérateurs économiques agir conformément aux règles de la concurrence, même s’ils doivent se conformer à une régulation publique stricte.

Pour stopper la spirale de la hausse des prix des produits comme le café, les viandes, le gouvernement a recours aux subventions. Cette politique est-elle viable alors qu’il était question d’aller vers des subventions ciblées ?

La substitution des subventions totales par les substituions ciblées est toujours d’actualité. C’est un autre dossier pour la nouvelle magistrature qui touche un aspect important des finances publiques.

Les subventions s’inscrivent dans le cadre des transferts sociaux qui représentent le quart du budget de fonctionnement de l’État. La question de la rationalisation des dépenses publiques et la maîtrise du déficit budgétaire constituent toujours une préoccupation sans que pour cela des solutions ne soient apportées.

Aussi, les subventions ciblées seront tôt ou tard mises en œuvre, car on ne peut continuer avec l’actuel dispositif des subventions généralisées, susceptibles de remettre en cause, à tout moment, l’équilibre des finances publiques.

Il suffirait d’un retournement du marché pétrolier international pour que la fiscalité pétrolière, représentant près de 45 % des recettes fiscales de l’État, soit déstabilisatrice par le manque à gagner en termes de ressources publiques.

D’où un impact négatif sur l’ensemble des transferts sociaux à ne pas négliger, selon ce scénario, et avoir toujours une marge de manœuvre en matière de dépenses publiques.

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