Le président français Emmanuel Macron a tenté une contre-attaque dans l’affaire Benalla en revendiquant sa « seule » responsabilité, sans réussir à éteindre le feu nourri des critiques.
« Le seul responsable de cette affaire c’est moi », a déclaré mardi soir le président, sortant ainsi du silence dans lequel il s’était muré depuis l’éclatement, la semaine dernière, du « Benallagate », du nom de son collaborateur Alexandre Benalla, inculpé pour avoir frappé des manifestants sans disposer d’aucun pouvoir de maintien de l’ordre.
« S’ils veulent un responsable, il est devant vous, qu’ils viennent le chercher », a lancé, bravache, le chef de l’État, fustigeant « la République des fusibles » et la « trahison » de son ancien collaborateur, qui n’avait été dans un premier temps que suspendu deux semaines, avant que la révélation de ses gestes n’entraîne son licenciement et son inculpation.
Emmanuel Macron a « commencé à desserrer le nœud coulant », commente pour l’AFP un spécialiste de la communication politique. « Il y a eu d’abord une phase de panique quand l’affaire a éclaté, d’où le silence » puis un retour de la parole présidentielle qui est « une reprise d’initiative », poursuit cette source qui demande l’anonymat.
M. Macron a montré qu’il restait « le maître des horloges », a estimé mercredi le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux: celui qui parle quand il l’a décidé, et qui n’a « pas à répondre aux convocations des uns ou des autres ».
« Il n’y a pas d’affaire d’État », a-t-il répété, pointant que « bâtir une République exemplaire » comme promis par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, « ça n’est pas promettre une République infaillible ». « Toutes les leçons » de l’affaire Benalla « seront tirées à la rentrée », a-t-il aussi assuré.
Mais l’opposition, toujours très remontée, reproche en particulier au président de s’être exprimé lors d’une soirée ne réunissant que des membres de sa majorité — « dans l’entre-soi » des élus du parti présidentiel, a relevé le président LR (opposition, droite) du Sénat, Gérard Larcher. Les journalistes n’étaient pas présents à cette soirée et les images ont été choisies et fournies par des participants.
« Matamore »
Ses propos « de boxeurs » ne manquent « pas de cran », juge le quotidien conservateur Le Figaro, mais cela « ne l’exonère pas d’une déclaration plus solennelle devant le pays », que les Français appellent d’ailleurs de leurs voeux: selon un sondage OpinionWay diffusé mercredi 66% d’entre eux souhaitent qu’Emmanuel Macron « s’adresse aux Français ».
« Devant un public de fidèles, sans contradiction possible, M. Macron choisit d’éviter la plupart des questions soulevées », qui « restent très nombreuses », regrette Le Monde.
« Bien protégé au milieu de ses amis », Emmanuel Macron a fait « le matamore », a ironisé Alexis Corbière, député LFI (gauche radicale), demandant, comme d’autres politiques, que le président soit entendu par la commission d’enquête parlementaire.
Le président, qui n’est pas responsable devant le Parlement, ne peut être contraint à être auditionné, mais certains constitutionnalistes estiment que rien de l’empêche de l’être de sa propre initiative.
Pour le patron du Parti socialiste Olivier Faure, M. Macron « a repris l’initiative, mais n’a pas repris la main »: « C’est un président acculé, qui n’a pas d’autre choix que d’admettre, avant que la commission d’enquête lui fasse admettre, que tout remonte à l’Élysée » dans cette affaire.
« Une chose est sûre: le mythe du nouveau monde s’est effondré », a aussi lancé M. Larcher.
Mercredi, la présidente de la commission Yaël Braun-Pivet a affirmé que les députés de la majorité jugeaient « inutile d’auditionner d’autres membres du cabinet du président de la République et du ministre de l’Intérieur », comme le réclame LR.
« Il est manifeste que l’opposition privilégie une approche polémique et politique qui vise à tirer profit de l’actualité loin de tout souci de la vérité », a-t-elle dénoncé.
A la commission parlementaire, les auditions se sont poursuivies mercredi, les responsables de la sécurité du palais présidentiel se succédant pour justifier leur action.
Jeudi, la commission passera sur le gril le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler, bras droit de M. Macron.