Après l’empoisonnement d’un ex-agent double russe et de sa fille au Royaume-Uni, la Première ministre britannique Theresa May a sommé Moscou de fournir des « explications crédibles » avant le mardi 13 mars à minuit.
L’affaire ressemble à l’intrigue d’un roman d’espionnage mais prend plutôt, ces dernières heures, des allures de crise diplomatique. Le dimanche 4 mars, Sergueï Skripal, 66 ans, et sa fille Youlia, 33 ans, sont retrouvés inconscients, sans blessure apparente, sur un banc d’un centre commercial à Salisbury, dans le sud-ouest de l’Angleterre. C’est dans cette petite ville où réside, depuis 2010, l’ex-officier des services russes de renseignement militaire après avoir été accusé par son pays de haute trahison et condamné en 2006 à 13 ans de prison.
Une vaste enquête est alors lancée : elle mobilise plus de 250 policiers de l’antiterrorisme britannique. Il faut passer la petite ville de 40.000 habitants au peigne fin pour déterminer ce qui est arrivé à l’ex-agent double russe et à sa fille.
Mardi 6 mars, devant le Parlement britannique, le ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, promet une réaction ferme s’il s’avère que l’ancien espion russe et sa fille ont été empoisonnés. Pendant ce temps, Moscou dénonce des propos délirants.
Le lendemain, le chef de la police antiterroriste britannique, Mark Rowley, indique devant la presse que Sergueï Skripal et sa fille Youlia ont été victimes d’une attaque délibérée à l’aide d’un « agent innervant » qui perturbe le système nerveux.
12 mars, Theresa May accuse ouvertement Moscou
Alors que les deux victimes sont toujours hospitalisées selon les médias britanniques, les tensions se sont accentuées ces dernières heures entre la Russie et le Royaume-Uni. « Le nouveau scandale dans les relations russo-britanniques provoqué par l’empoisonnement de l’ex-agent double russe Sergueï Skripal a atteint son point culminant le 12 mars », rapporte Courrier International qui cite le quotidien russe Kommersant.
En effet, la Première ministre britannique, Theresa May, a estimé, lundi 12 mars, devant les députés britanniques qu’il était « hautement probable » que la Russie soit responsable de cette tentative d’assassinat.
La chef de gouvernement a précisé que l’ex-espion et sa fille avaient été agressés au moyen d’un agent neurotoxique « de qualité militaire » d’un type développé par la Russie. Le gaz appartient à la famille d’agents innervant Novitchok développée par l’Union soviétique dans les années 1970 et 1980, précise également la Première ministre. Elle estime qu’il s’agit soit d’un « acte ciblé » de l’État russe contre le Royaume-Uni, soit d’une « perte de contrôle » par les autorités russes de l’agent innervant. Dans la foulée, Theresa May a posé un ultimatum à Moscou exigeant une explication avant mardi soir, à minuit. Faute de quoi, elle considérera qu’il s’agit d’un « usage illégal de la force » de l’État russe contre le Royaume-Uni.
De son côté, la Russie continue de maintenir sa version par la voix de son chef de la diplomatie Sergueï Lavrov : Moscou n’a rien à voir avec cette histoire. Quant à la technique de l’ultimatum, elle a manifestement moyennement été appréciée par Sergueï Lavrov. Il a estimé qu’ « il conviendrait de se souvenir que l’ère du colonialisme est depuis longtemps révolue ». Cette tentative d’assassinat a d’ailleurs eu lieu deux semaines avant l’élection présidentielle en Russie. Selon Reuters, la télévision publique russe y voit un complot britannique visant à perturber les préparatifs du Mondial 2018.
“C’est un numéro de cirque devant le Parlement britannique”, a affirmé la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova, citée par des agences de presse russes.
La Russie a convoqué l’ambassadeur britannique à Moscou en réponse aux accusations de Theresa May.
La presse britannique rapporte que Londres pourrait annoncer des sanctions contre la Russie. Mais quelles pistes faut-il envisager ? Le chef de la diplomatie britannique avait déjà évoqué un boycott de la Coupe du monde de football qui aura lieu en Russie en juin. D’autres scénarios sont évoqués par la presse britannique comme l’expulsion de diplomates russes ou le gel des avoirs d’oligarques russes proches du Kremlin. Cette dernière option pourrait toutefois se révéler compliquée en raison de la très forte présence de ces Russes richissimes à Londres.
Londres pourrait également réfléchir à une action coordonnée avec ses alliés européen et américain. L’Union européenne a exprimé sa solidarité, et Paris son soutien à Londres après la « tentative d’assassinat totalement inacceptable » de l’ex-agent russe.
En outre, le locataire de la Maison Blanche Donald Trump a estimé que cet empoisonnement ressemblerait à un acte russe. « Je vais parler à Theresa May aujourd’hui. Pour moi ça ressemble à la Russie, en se basant sur toutes les preuves qu’ils ont », a-t-il dit devant des journalistes à la Maison Blanche, selon l’AFP.
L’affaire Skripal fait écho à un autre cas d’empoisonnement : celui d’Alexandre Litvinenko, un opposant au président russe Vladimir Poutine et ex-agent du KGB, décédé en 2006 après avoir bu du thé empoisonné au polonium 210 à Londres. Si une enquête britannique a conclu que le meurtre de Litvinenko avait probablement été approuvé par Vladimir Poutine et commis par deux Russes, le Kremlin a toujours démenti toute implication.