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Affaire de l’enseignante d’Oran : ces walis prisonniers du canevas du passé  

Affaire de l’enseignante d’Oran : ces walis prisonniers du canevas du passé  

L’humiliation d’une enseignante mercredi à Oran lors de la première journée de la rentrée scolaire en Algérie relance le débat sur le comportement de certains walis et autres responsables de l’État.

Les observateurs n’avaient pas manqué de le relever lors du dernier mouvement dans le corps des walis, fin août dernier. Parmi les walis priés de céder leur poste, quatre au moins s’étaient distingués par des comportements qui avaient indigné l’opinion pendant les derniers mois.

Il s’agissait de ceux de Djelfa, de Mostaganem, d’Oran et de Sétif. Il a été mis fin aux fonctions des deux premiers et les deux autres ont été mutés. Que leur reprochait-on ? On ne connait rien du bilan de leur gestion, mais on sait qu’ils ont failli sur le plan de la communication en se rendant coupables de comportements inadmissibles vis-à-vis de leurs administrés.

Le wali de Djelfa a laissé entendre qu’il préférait que la population meure de faim que de Covid-19, celui de Mostaganem s’est moqué devant les caméras de la tenue vestimentaire d’un ingénieur fonctionnaire, leur collègue de Sétif a usé d’un dicton populaire pour inciter la police à user du bâton vis-à-vis des contrevenants au confinement et enfin le wali d’Oran a laissé exploser sa colère à la face d’un professeur en médecine qui réclamait plus d’oxygène pour son service dans un contexte de crise sanitaire de coronavirus.

Nul besoin de rappeler que les vidéos captées par les smartphones et les caméras ont fait le tour des réseaux sociaux et indigné l’opinion publique.

Depuis le 31 août donc, ces wilayas, entre autres, ont de nouveaux walis. Celui qui a été affecté à Oran a mis moins de deux mois pour imiter son prédécesseur, d’une manière encore plus inadmissible.

Mercredi 21 octobre, jour de rentrée scolaire, le responsable se rend dans une école primaire de la deuxième ville du pays. Sur place, une enseignante lui égrène les insuffisances dont souffre l’établissement.

« Les pupitres datent de la période coloniale », se plaint-elle. Il ne fallait plus pour provoquer l’ire du wali qui se retourne sur ses talons sans laisser à l’enseignante le temps de terminer sa phrase. Il n’a pas admis que son interlocutrice ait pu dire que nos écoles utilisent encore du mobilier hérité de la période coloniale, une période qui « rappelle aux Algériens les affres de l’appauvrissement et de l’analphabétisme », expliqueront plus tard les services de la wilaya.

La communication, une arme à double tranchant

Sur les réseaux sociaux, l’effet est immédiat et son patriotisme ne sera d’aucun secours au wali. Rarement un responsable algérien a été aussi malmené par les internautes.

Les hautes autorités du pays ont aussi réagi et ce n’est pas pour prendre la défense du haut fonctionnaire qui, pourtant, croyait par son comportement sauver l’honneur de l’État et de ses réalisations.

« Je refuse ces comportements qui rappellent les anciennes pratiques », tranche le Premier ministre Abdelaziz Djerad dans un désaveu qui ne laisse pas de doute quant à l’avenir du responsable. Le ministre de l’Intérieur Kamel Beldjoud a également désavoué le wali d’Oran.

En parlant de pratiques anciennes, Djerad a mis le doigt sur le vrai problème. De nombreux walis n’arrivent pas à se défaire du canevas hérité de la gestion du passé. Malgré l’appel clair du président de la République Abdelmadjid Tebboune, dès sa prise de fonction, à éviter de se faire accompagner de fortes délégations budgétivores lors des visites de terrain, certains continuent à déplacer leur smala, se font entourer de responsables subalternes et de journalistes, tentent d’impressionner leur hiérarchie en molestant publiquement les petits fonctionnaires fautifs.

Beaucoup croient trouver la clé d’une promotion rapide en se faisant les chantres du patriotisme et de la défense de l’action de l’État et de son honneur.

Or la communication est un art difficile, très sensible, une arme à double tranchant qu’il faut savoir manier délicatement, a fortiori à l’ère du smartphone et des réseaux sociaux.

Le « canevas du passé » ne prévoit, hélas, rien de tel, d’où ces répétitifs retours de flamme. Hausser le ton publiquement ou humilier un fonctionnaire, qu’il soit maître d’école ou professeur en médecine, n’est pas signe d’intransigeance et d’autorité, mais de méconnaissance des règles basiques de gestion et de communication. Beaucoup de responsables le découvrent à leurs dépens.

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