L’affaire de l’imam de M’chedallah (Bouira), qui a insulté des citoyens qui faisaient la fête à proximité de la mosquée, enflamme les réseaux sociaux algériens.

Depuis samedi soir, les internautes algériens s’affrontent à coup d’invectives qui n’ont rien à envier à celle de l’imam.

D’un côté, les défenseurs de la sacralité des lieux de culte, de l’autre, ceux qui condamnent sans réserve le dérapage de l’homme de religion et mettent en avant le non moins sacré principe de la liberté individuelle. Derrière tout cela, il y a un problème de réglementation que personne n’évoque.

Il est évident que les insultes ne doivent pas fuser d’une mosquée, censée être un lieu d’éducation, de morale et de civisme par excellence. Ce qu’a fait l’imam de M’chedallah est inadmissible et son comportement appelle au moins l’enclenchement d’une procédure administrative par la tutelle.

Il aurait pu être à l’origine de graves troubles sur place et susciter la discorde dans la région et à travers le pays. Comme on le voit depuis deux jours, les habituels semeurs de division, dont des hommes politiques, déversent sans retenue leur fiel sur une région entière du pays, toujours la même, la Kabylie.

Il reste le cas de ceux qui ont organisé un gala artistique à quelques mètres d’une mosquée. Ils l’ont fait d’abord parce que rien ne l’interdit. Le périmètre de la mosquée n’est défini par aucun texte.

Dans ce vide juridique, tout le monde peut s’engouffrer ; ceux qui souhaitent faire la fête et les défenseurs de la sacralité des lieux de culte. Rien ne dit que l’imam en question n’aurait pas crié au scandale si le gala avait eu lieu quelques dizaines ou centaines de mètres plus loin.

Tant que les décibels parviennent jusqu’à sa mosquée, et en l’absence de délimitation du périmètre légal de celle-ci, toute activité sonore en dehors de la pratique des rites religieux peut être perçue comme une provocation ou une atteinte au sacré.

Des failles dans la réglementation

Le lieu où a été organisée la fête est une vaste place entre la mairie et la mosquée. C’est la place centrale de la ville. Y tenir des activités culturelles de ce genre ou tout autre rassemblement, comme un meeting électoral par exemple, n’est pas interdit mais c’est là encore une faille dans la réglementation.

Au-delà de la mosquée et de sa sacralité, un gala au milieu d’habitations, qui plus est pendant la nuit, est une source de nuisance pour les riverains, ceux qui doivent se lever tôt pour travailler, les enfants, les malades…

L’activité de gérance des salles de fêtes est strictement réglementée, la loi exigeant jusqu’à l’utilisation de matériaux isolants dans construction des locaux, dans le souci évidemment et légitime d’éviter les désagréments sonores aux riverains.

Paradoxalement, la même réglementation ne prévoit rien pour les fêtes familiales organisées par les particuliers à domicile, parfois à un rythme infernal, notamment pendant la période estivale où il arrive que plusieurs fêtes se déroulent simultanément dans le même quartier ou village.

Dans cette catégorie de nuisances, il faut inclure aussi celle des haut-parleurs des mosquées que certains imams zélés mettent à fond à des heures indues de la nuit, sans se soucier des enfants et des malades dont ils dérangent le sommeil. Une société apaisée c’est d’abord une société qui garantit le respect et les droits de toutes ses composantes, en se dotant de lois justes, claires et applicables.

Hélas, il n’y a pas que les lois auxquelles il arrive de faire défaut en Algérie. Les salles de spectacles et de loisirs manquent désespérément dans tout le pays, jusque dans certaines grandes villes.

Les salles de cinéma, jadis lieux incontournables de la vie sociale et culturelle, ont fermé les unes après les autres ces dernières décennies. Mais ça, c’est une autre histoire et n’excuse pas ceux qui ont organisé un gala nocturne sur la place publique à M’chedallah. Car dans cette ville précisément, une salle moderne de 5000 places vient tout juste d’être inaugurée.