Société

Affaire du CHU d’Annaba : « À quoi sert l’inspection générale du ministère de la Santé ? »

Le Dr Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP), revient sur l’épisode qui a vu le limogeage du premier responsable de l’hôpital Ibn Rochd d’Annaba suite à de graves défaillances notamment en matière d’hygiène.

Il s’interroge comment cette situation s’est-elle révélée à l’opinion et aux responsables centraux du ministère de la Santé par le biais d’une vidéo tournée par des médias locaux.  

Comment réagissez-vous à ce limogeage ?  

Ces établissements disposent de budgets assez conséquents, eu égard justement à leur statut. Ils ont une certaine souplesse dans la gestion financière…En sus de cela, on est dans une structure de santé où il y a des normes d’hygiène et sanitaires à respecter et à faire respecter.

Malheureusement, on est catastrophé par ce que nous avons vu. C’est aussi une occasion de rappeler les conditions de prise en charge des malades mais aussi (les conditions) d’exercice des professionnels de la santé.

Je le dis : cela concourt à cet état d’esprit défaitiste au sein des praticiens qui sont dégoûtés de voir les conditions de travail se dégrader à ce niveau-là. Et qui les poussent à quitter le secteur public vers le privé et carrément quitter le pays pour espérer travailler dans de meilleures conditions.

C’est un paramètre qui explique le pourquoi de l’hémorragie des professionnels de la santé du public vers le privé mais aussi cette émigration des médecins.

Qu’est-ce que cet épisode dit-il de la situation des urgences médico-chirurgicales dans nos hôpitaux ?

Cette situation découverte à travers les vidéos peut être retrouvée ailleurs, dans d’autres établissements. Je rappelle le cas du service de gynéco-obstétrique de l’hôpital de Constantine du temps de l’ancien ministre de la Santé, Abdelmalek Boudiaf. Il y a eu limogeage du DG de l’hôpital et d’autres responsables ont été sanctionnés.

On constate que, quelques années après, on revient à la case de départ. Le plus important à dire est pourquoi c’est à travers d’une visite de députés et d’élus locaux accompagnés de journalistes de la presse locale qu’on découvre cela ? À quoi sert l’inspection générale du ministère de la Santé ? Elle est représentée au niveau central et dans toutes les DSP (directions de la santé de wilayas).

Il y a des médecins-inspecteurs formés pour faire ce genre de travail. À savoir faire appliquer les normes et la réglementation, veiller que toutes les mesures d’hygiène et d’asepsie soient respectées. Il y a des recommandations qui ont été portées à l’intention des responsables des établissements et des DSP à travers l’inspection générale. Pourquoi les choses n’ont-elles pas bougé ?

Etes-vous surpris ?

Je ne suis pas surpris par cette situation. Ce qui me surprend en revanche c’est pourquoi mes collègues chefs de services, professeurs et maîtres-assistants, résidents et internes, médecins généralistes et spécialistes, ne se sont-ils pas manifestés ? À ce niveau-là, je suis catastrophé.

Je suis surpris de constater que ce genre de situations n’a pas été porté à l’intention des autorités, localement et au niveau national (ministère). On nous répondra sûrement qu’il y a des rapports des chefs de services, du Conseil médical ou scientifique de l’établissement qui est justement composé des chefs de services et qu’il y a eu de PV…etc.

Mais je le dis, ce n’est pas suffisant. Comment a-t-on pu accepter que la situation puisse glisser à ce niveau de déchéance ? La situation ne s’est pas dégradée en une semaine, c’est une situation qui dure sûrement depuis plusieurs mois pour ne pas dire plusieurs années. Comment a-t-on accepté de continuer à travailler dans de telles conditions ?

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