Politique

Affaire Fethi Ghares : inquiétudes pour l’avenir du multipartisme

Fethi Ghares, coordinateur du Mouvement démocratique et social (MDS), a été placé sous mandat de dépôt jeudi 1er juillet. Ghares n’est pas poursuivi dans une affaire de droit commun, mais pour des accusations liées à ses déclarations et publications sur les réseaux sociaux.

Son arrestation puis son incarcération a créé une onde de choc et suscité des inquiétudes et de vives réactions d’une partie de la classe politique et de la société civile. Partis et personnalités publiques ont exprimé leur inquiétude quant à l’avenir de l’action politique, du multipartisme et de la liberté d’expression.

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L’avocat Mokrane Aït Larbi vient de joindre sa voix à celles, nombreuses, qui ont dénoncé l’arrestation du coordinateur du MDS. Aït Larbi la voit d’abord comme une atteinte à la liberté d’expression.

« Fethi Ghares, coordinateur du MDS, a été arrêté pour avoir parlé, comme ont été arrêtés avant lui des dizaines de militants pour avoir pris part à des manifestations populaires. Que veut le pouvoir des militants ? Cherche-t-il à museler la parole ? Veut-il que seuls ceux qui soutiennent le régime puissent parler ? », écrit-il sur les réseaux sociaux, estimant que cela « ne se passe que dans les régimes autoritaires » et appelant à « permettre à tous les citoyennes et citoyens d’exprimer leurs idées, leurs croyances et leurs avis sans craindre les pressions ou l’arrestation ».

« Les prisons sont faites pour les criminels, non pour les militants libres », rappelle l’avocat et militant des droits de l’Homme.

Avant lui, tous les partis de la mouvance démocratique ont dénoncé l’arrestation de Ghares et tiré la sonnette d’alarme sur le danger qui plane sur l’action politique et le multipartisme en vigueur depuis 1989 en Algérie.

« Pour avoir exprimé son opinion politique et déploré le marasme généralisé que vit notre pays, M. Fethi Ghares a fait l’objet d’une arrestation arbitraire et injuste. Il était dans le viseur du pouvoir depuis quelque temps, il est resté engagé malgré la chape de plomb et les restrictions imposées », avait réagi Karim Tabbou, coordinateur de l’Union démocratique et sociale (UDS-non agréé).

Tabbou avait fait de la prison entre septembre 2019 et juillet 2020 pour son engagement dans le mouvement populaire et il demeure poursuivi dans une autre affaire.

Pour le parti de Louisa Hanoune, le Parti des Travailleurs (PT), l’incarcération  de Fethi Ghares constitue « une dérive d’une extrême gravité car elle matérialise une offensive sans précédent depuis mai 2019 contre le multipartisme sur le terrain de la criminalisation/judiciarisation/ diabolisation de l’action politique indépendante et de l’exercice des libertés démocratiques ».

Le PT souligne qu’un autre dirigeant du MDS, Ouahid Benhalla, se trouve en prison « pour des raisons politiques aussi vagues que irréelles ».

Mme Hanoune a elle aussi fait de la prison pour avoir participé à une réunion quelques jours avant la démission du président Abdelaziz Bouteflika en avril 2019.

Elle a été poursuivie par le tribunal militaire de Blida pour « complot contre l’autorité de l’Etat et de l’armée », condamnée à 15 ans de prison, peine réduite en appel à 9 mois de prison, peine qu’elle a purgée entre mai 2019 et février 2020.

En avril dernier, un « mouvement de redressement » interne a tenté de renverser la direction actuelle. La tentative a néanmoins échoué.

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« Une arrestation qui risque de nous renvoyer à l’ère du parti unique »

« Par l’arrestation spectacle de Fethi Gheras, premier responsable du MDS- un parti politique agréé- le pouvoir persiste et déclare que les acteurs politiques de l’opposition sont désormais considérés comme des criminels. Cette énième arrestation doit de nouveau nous interpeller. Allons-nous nous habituer à cet état de fait et nous résigner ? Depuis des mois que le pays est en panne dans tous les secteurs de la vie, seuls les tribunaux fonctionnent à plein régime en exécutant la politique de l’épée de Damoclès du pouvoir de fait », avait pour sa part réagi le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Mohcine Belabbas.

En avril 2020, M. Belabbas il a été destinataire d’une correspondance du ministère de l’Intérieur, le mettant en garde contre l’exploitation de son siège régional à Alger pour « des activités hors des objectifs tracés ».

Le parti mettait chaque vendredi son siège à la rue Didouche-Mourad à la disposition des manifestants du Hirak. En octobre, l’immunité parlementaire du président du parti Mohcine Belabbas a été levée officiellement dans le cadre d’une affaire de droit commun. D’autres cadres du parti sont régulièrement convoqués par la justice, comme le chargé de la communication Athmane Mazouz, ou encore son représentant à Relizane, Menad Larbi, placé sous mandat de dépôt il y a quelques jours.

Le Front des forces socialistes (FFS) a pour sa part jugé « inacceptable », l’arrestation de Fethi Ghares et estimé qu’elle « risquerait de nous renvoyer à l’ère du parti unique ». « Le pouvoir s’obstine à criminaliser l’action politique », a dénoncé le parti. « L’autoritarisme ne servira nullement les aspirations nationales et populaires à la démocratie et la construction d’un État de droit, ce qui exposerait la cohésion sociale au péril et alimenterait toutes les formes d’extrémisme », a mis en garde son premier secrétaire Youcef Aouchiche.

Tous ces partis n’ont pas participé aux élections législatives du 12 juin dernier. Silence radio en revanche chez ceux qui y ont pris part, à l’exception du Mouvement de la société pour la paix (MSP).

Le parti, pourtant à l’idéologie aux antipodes de celle du MDS, a tenu à dénoncer l’arrestation de Fethi Ghares. « La défense des libertés est une question de principe », a indiqué le président du parti, Abderrazak Makri, ajoutant que « la liberté d’expression dans un cadre national n’est pas un danger » et que « le danger réside plutôt dans la tyrannie, la fraude électorale et l’impossibilité de l’alternance et du contrôle des affaires publiques ».

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