La mort du journaliste Jamal Khashoggi, dans les locaux du consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, début octobre, est, pour Ryad, une “erreur monumentale”.
Adel Al Jubeir, ministre des Affaires étrangères, qui a utilisé cette expression dans une interview à la chaîne américaine Fox News, a déclaré ne pas savoir « où se trouve le corps » du journaliste, qui travaillait pour le Washington Post.
“Nous avons découvert qu’il a été tué au consulat (saoudien à Istanbul). Nous ne savons pas comment, dans le détail. Nous ne savons pas où se trouve le corps”, a déclaré le chef de la diplomatie saoudienne, depuis Ryad, dans un entretien à la chaîne américaine Fox News, rapporte l’AFP.
“Les individus qui ont fait cela l’ont fait en dehors du champ de leurs responsabilités. Une erreur monumentale a été faite, qui a été aggravée par la tentative de la cacher”, a ajouté M. Al-Jubeir, assurant que le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane n’était “pas informé” de l’opération, non-autorisée par le pouvoir.
La Turquie va tout dire sur l’assassinat, dans des conditions encore troubles du journaliste, a promis le président Recep Tayyib Erdogan. « La vérité nue sera révélée », a lancé le président turc, cité par l’agence Anadolu.
« Nous cherchons la justice », a-t-il dit lors d’un rassemblement à Istanbul. « Pourquoi quinze personnes (saoudiennes) sont venues ici ? Et pourquoi dix-huit personnes ont été arrêtées (en Arabie saoudite) ? Il faudra dévoiler tous les détails », a-t-il déclaré, repris par Al Jazeera.
Les médias turcs ont rapporté qu’Erdogan interviendra, mardi 23 octobre, devant le groupe parlementaire de son parti (AKP) sur cette affaire. Entretemps, la préfecture d’Istanbul a, selon Anadolu, accordé une protection « 24 h sur 24 » à la fiancée turque de Khashoggi Hatice Cengiz. La femme a été la première à donner l’alerte, le 2 octobre dernier, sur la disparition du journaliste.
L’Arabie saoudite n’a toujours pas précisé où se trouve la dépouille du journaliste, mort, « après une bagarre et une rixe aux coups de poing qui aurait mal tourné », selon Ryad.
Les médias saoudiens ont annoncé l’arrestation de 18 personnes qui seraient impliquées dans la mort de Jamal Khashoggi, qui était connu par ses articles et interventions télévisées critiques à l’égard du palais royal.
Le directeur-adjoint des services de renseignements saoudiens Ahmad Hassan Mohammad Assiri a été démis de ses fonctions ainsi que d’autres responsables de sécurité.
Selon le New York Times, le général Assiri pourrait servir de « bouc émissaire » dans l’affaire Khashoggi pour « protéger » la famille royale.
Le procureur turc va communiquer « toutes les preuves »
Le prince héritier Mohammed Ben Salmane (MBS), ministre de la Défense, est, selon l’agence SPA, chargé de « restructurer » les services de renseignements, sur ordre du roi Salmane.
Selon Al Jazeera, le procureur turc a eu « tous les détails » sur les circonstances de la mort du journaliste, après avoir auditionné 25 employés du consulat saoudien.
Le procureur a promis de communiquer bientôt « toutes les preuves » et « tous les résultats de l’enquête » à l’opinion publique. Berlin, Londres et Paris ont estimé, dans un communiqué commun, repris par Reuters, qu’il y a « un besoin urgent » d’avoir toutes les « clarifications » sur les circonstances de la mort du journaliste saoudien.
« La défense de la liberté d’expression et de la liberté de la presse est une priorité essentielle pour la France, l’Allemagne et le Royaume Uni. Les menaces, les agressions ou les meurtres de journalistes, quelles que soient les circonstances, sont inacceptables et constituent un sujet de préoccupation majeure pour nos trois pays », est-il souligné dans le communiqué.
« Il y a manifestement tromperie et mensonges. Leurs histoires partent dans tous les sens », a déclaré, pour sa part, le président américain, dans une interview au Washington Post.
« Le prince héritier n’était pas au courant »
Donald Trump a, dans une précédente déclaration, qualifié de « crédible » la version de Ryad sur la mort du journaliste. Ryad a, dans un premier temps, annoncé que le journaliste était sorti du consulat avant de reconnaître sa mort à l’intérieur de la représentation diplomatique. « Des explications ni crédibles ni cohérentes », selon le Canada.
Adel Al Jubeir a déclaré que le prince héritier et les chefs du service de renseignements n’étaient pas au courant de l’assassinat du journaliste qui serait la conséquence d’une opération « clandestine ».
Le chef de la diplomatie saoudienne a tenté de rassurer sur le futur des relations entre son pays et les États-Unis. Des relations qui vont, selon lui, surmonter cette affaire.
« Le Roi Salmane est déterminé à ce que les responsables (de le mort de Khashoggi) rendent comptes de leur acte », a soutenu Adel Al Jubeir à Fox News, chaîne proche des conservateurs américains et plus grand appui médiatique à Donald Trump aux États-Unis.
Prudente, l’Union européenne, qui a des relations commerciales denses avec l’Arabie saoudite, a demandé « une enquête approfondie, crédible et transparente » sur les circonstances de la mort du journaliste qualifiée « d’extrêmement troublante ».
La première mesure a été annoncée ce dimanche soir par la chancelière allemande Angela Merkel, qui a déclaré que l’Allemagne n’autorisera pas en l’état d’exportations d’armes vers l’Arabie saoudite compte tenu de l’incertitude qui demeure autour de la mort du journaliste Jamal Khashoggi.
“Je suis d’accord avec tous ceux qui disent que les exportations d’armes ne peuvent pas intervenir dans la situation où nous nous trouvons, même si ces ventes sont d’ampleur limitée”, a-t-elle déclaré à la presse à Berlin au siège de son parti de centre-droit (CDU).
“Il y a encore des choses qui doivent être éclaircies de manière urgentes” par les autorités saoudiennes car “tout n’a pas été dévoilé”, a-t-elle ajouté, condamnant “avec la plus grande fermeté” la mort du journaliste saoudien.