Décidément, tout ce qui est censé renforcer les liens entre l’Algérie et le Maroc devient vite un sujet de discorde. C’est de nouveau le cas avec une jeune Miss marocaine ayant des origines algériennes.
On se souvient par exemple de l’épisode de la candidature du couscous au patrimoine de l’Unesco qui donne à une guéguerre entre les internautes et même les politiciens des deux pays sur la propriété du plat, avant que les deux parties ne décident de défendre ensemble la candidature et finir par obtenir le statut de patrimoine immatériel de l’humanité à ce plat emblématique de tout le Maghreb.
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Au printemps dernier, l’ancien international marocain Abdeslam Ouaddou voulait remercier à sa manière le président de la Fédération algérienne de l’époque, Kheireddine Zetchi, de lui avoir ouvert les portes de la sélection nationale pour poursuivre sa formation d’entraîneur. À l’occasion des élections aux instances de la confédération africaine, Ouaddou a seulement souhaité bonne chance à M. Zetchi, mais beaucoup de Marocains n’avaient pas apprécié.
En décembre 2020, c’est le choix d’un jeune footballeur qui a mis le feu aux réseaux sociaux marocain. Samy Faradj, jeune joueur de l’équipe de Sochaux, pouvait jouer pour le Maroc ou pour l’Algérie du fait de ses origines mixtes.
Pour des raisons qui lui sont propres, il a opté pour les Verts d’Algérie, ce qui n’a pas été du goût d’une partie des internautes marocains qui l’ont lynché et abondamment insulté dans leurs posts et commentaires. Les attaques ont été si violentes que le joueur a dû exprimer publiquement son incompréhension.
« Pourquoi m’insulter ? Je suis Marocain Algérien, j’aime mes deux pays. Il fallait faire un choix et c’est le foot !! J’aime mes deux pays, je ne comprends pas pourquoi je reçois tant d’insultes », avait-il écrit sur les réseaux sociaux.
Moins d’une année après, une jeune femme ayant la double descendance connait la même mésaventure, avec davantage de véhémence d’autant plus que son affaire survient au summum de la crise entre l’Algérie et le Maroc.
Des commentaires frisant le racisme
Les relations entre les deux pays n’ont jamais été bonnes ces dernières années, mais elles ont pris une autre tournure l’été dernier avec la rupture des relations diplomatiques décidée par Alger le 24 août en réaction à une série d’« actes hostiles » du Maroc.
Début novembre, l’Algérie a directement accusé l’armée marocaine d’avoir « lâchement assassiné » trois routiers algériens dans un bombardement à la frontière entre le Sahara occidental et la Mauritanie.
C’est dans ce contexte extrêmement tendu qu’est survenu ce qu’il convient d’appeler l’affaire Miss Maroc 2021. Kawthar Benhalima était plutôt première dauphine, mais elle a été désignée pour représenter le Maroc au concours Miss Univers en décembre prochain en Israël, suite à la blessure dans un accident de la lauréate du concours Miss Maroc.
Rien d’anormal, sauf pour certains Marocains qui n’ont pas pardonné à la jeune Miss d’avoir mis en avant ses origines algériennes. Sa famille est en effet venue d’Algérie pendant la guerre de Libération nationale.
« Ma grand-mère s’est installée au Maroc avec peu de moyens en compagnie de ses frères et sœurs. Elle a grandi dans une famille où elle a appris à coudre. Au fil du temps, elle a utilisé ça comme une qualité pour aider les femmes au Maroc à construire leur indépendance », a-t-elle révélé.
Son intention était évidemment de faire ressortir les liens forts qui unissent les deux peuples et leur solidarité mutuelle. Mais c’est le juste contraire de l’effet escompté qui s’est produit.
La jeune femme est lynchée sur les réseaux sociaux et une pétition est lancée pour la destituer de son titre et l’empêcher de représenter le Maroc au concours international.
Le hashtag « Kawthar n’est pas marocaine » fait depuis fureur sur la Toile marocaine où foisonnent également des commentaires frisant le racisme le plus primaire. « Symboliquement une miss marocaine avec 25% de sang algérien ça ne passe pas ». Ou encore : « La miss du Maroc c’est une algérienne c’est incroyable ! »
Longtemps confinée à la sphère politique, la crise entre l’Algérie et le Maroc est en train d’infecter dangereusement une partie de la Toile. Pourtant, à l’annonce de la rupture des relations en août dernier, l’Algérie avait tenu à ce que la crise n’impacte pas les deux peuples. Ramtane Lamamra, le ministre algérien des Affaires étrangères, avait indiqué que la rupture sera seulement diplomatique et n’aura aucun effet sur l’activité diplomatique ou la mobilité des personnes.