Politique

Affaire Mme Maya : quel a été le rôle de Bouteflika ?

Le procès de l’affaire de Mme Maya, qui s’est déroulé la semaine passée au tribunal de Cheraga (Alger) a révélé aux Algériens, qui ne connaissaient pas cette femme, l’une des faces cachées et sombres du règne du président déchu Abdelaziz Bouteflika.

Mme Maya a réussi à construire un incroyable réseau de relations haut placées et de corruption, en prétendant être la fille cachée du président déchu.

Le procès de l’affaire de Mme Maya, celle qu’on présentait, ou qui se présentait comme étant « la fille cachée de Abdelaziz Bouteflika », est le premier des grands procès anti-corruption où le nom de l’ancien président de la République est cité aussi directement.

Un rôle direct lui est même prêté dans les faits jugés. Il ne reste plus qu’à connaitre le verdict du procès qui s’est déroulé la semaine passée au tribunal de Chéraga (Alger) et dans lequel, outre Nachinachi Zoulikha, la fameuse Mme Maya et ses deux filles, des anciens ministres et hauts responsables sont impliqués.

À la barre, il y avait justement un certain Mohamed Rougab, le secrétaire particulier du président déchu.

Ce qui est reproché aux accusés ressemble aux griefs entendus dans les procès tenus jusque-là, dont l’obtention et l’octroi d’indus avantages, dilapidation de deniers publics…

Mais il y a comme une grosse affaire de racket derrière. Selon l’accusation, la principale accusée se faisait passer pour la fille du président Bouteflika et proposait aux hommes d’affaires et autres entrepreneurs d’intercéder en leur faveur auprès des administrations publiques et les hauts responsables de l’État.

La contrepartie, ce sont de grosses sommes d’argent versées parfois en liquide ou sous forme de bijoux, dont une partie a été découverte au cours de l’enquête dans une villa de Moretti occupée par la fausse fille du président : 9.5 milliards de centimes cachés dans trois grosses valises et 25 Kg de bijoux en or.

Un million et demi d’euros a en outre été transféré en Espagne où Mme Maya aurait acquis trois appartements, selon l’avocat du Trésor public qui a aussi révélé qu’un préjudice de plus d’un milliard de dinars a été causé au trésor.

Les responsables impliqués sont les deux anciens ministres Mohamed El Ghazi et Abdelghani Zaalane, jugés en tant qu’anciens walis de Chlef et d’Oran respectivement, et Abdelghani Hamel, ancien directeur général de la Sûreté nationale, jugé et condamné par ailleurs dans de nombreuses autres affaires, ainsi qu’un ancien député, en fuite.

Mohamed Rougab, secrétaire particulier de l’ancien chef de l’État, est lui, présent en tant que témoin. Sa convocation est un signe qui ne trompe pas : ce qu’il avait à dire est plus qu’important puisque le nom de l’ancien président est souvent revenu au cours de l’enquête.

Beaucoup d’agissements des prévenus ont eu lieu en son nom. Et qu’a dit Rougab à la barre ? Que Bouteflika n’a jamais reçu Mme Maya, en tout cas pas au siège de la présidence. Ce qui est fortement plausible quand on sait que l’ex-président ne mettait presque jamais les pieds dans son bureau à el Mouradia, du moins après son AVC de 2013.

Rougab confirme aussi que c’est lui qui a présenté Mme Maya à Mohamed El Ghazi, alors wali de Chlef, « à la demande du président et non de son frère Saïd Bouteflika ».

Peu probable que l’ancien président soit jugé

La prévenue, elle, assure que ses contacts avec Abdelaziz Bouteflika se faisaient « directement » et non par le biais de son secrétaire particulier.

Mohamed El Ghazi, lui, confirme qu’il a été appelé par le secrétaire particulier du président pour lui recommander des proches, parmi lesquels Mme Maya.

Le wali fait alors le nécessaire. Il est allé jusqu’à affecter un logement social de la femme d’affaire, qu’il croyait vraiment être la fille de Bouteflika. Quand le juge a demandé si Bouteflika est intervenu en personne, l’ancien wali ne nie pas. « Les ordres du président sont indiscutables », se contente de dire l’anicien wali et ex-ministre qui a tenté au début du procès de jouer la carte de la maladie mentale.

Quasiment dans tous les grands procès qui ont eu lieu depuis fin 2019, Saïd Bouteflika a été cité, parfois sur des faits précis (il a même été ramené de sa cellule pour l’entendre lors du premier procès de l’affaire du montage automobile en décembre), mais son frère président ne l’a été que vaguement.

« S’il y a quelqu’un qui doit être ici, en tant que témoin, c’est bien le président de la République. Il savait tout », avait par exemple déclaré l’ancien premier ministre Abdelmalek Sellal lors du procès en appel de l’affaire du montage automobile en mars dernier.

Cette fois, un rôle direct lui est imputé dans des faits délictueux, confirmés devant un tribunal par les protagonistes. Il est néanmoins très peu probable qu’il soit convoqué, encore moins jugé, pour plusieurs considérations, dont son état de santé. « Si la justice le demande, c’est son affaire, mais pour le moment, il n’en est pas question », avait répondu le président Tebboune à une question de France 24 en juillet dernier sur le sujet.

Pour revenir au procès, Abdelghani Hamel a confirmé lui aussi qu’il a toujours cru que Maya était la fille de Bouteflika. Il est intervenu pour l’installation de caméras de surveillance dans sa résidence par des techniciens de la police, mais a nié l’avoir toute intervention pour que son chien soit dressé par les agents du même corps.

Dans son réquisitoire, le procureur a requis de lourdes peines pour tout le monde. 15 ans pour Maya et les deux anciens ministres, 12 pour l’ancien chef de la police, 10 ans pour les deux filles de la principale accusée et 5 à 12 ans d’autres prévenus, dont le fils de Mohamed El Ghazi et un ancien député. Verdict dans quelques jours…

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