L’étudiant Walid Nekiche est sorti de prison ce mardi 2 février, après avoir été condamné par le tribunal de Dar El Beida à six mois de prison ferme, pour « distribution et possession de tracts pour porter atteinte à l’intérêt du pays ». Il a passé 14 mois en détention provisoire. Le procureur a requis la perpétuité.
Son avocate Me Nabila Smail, qui fait partie du collectif de défense de l’étudiant, nous livre un témoignant glaçant sur cette affaire, et parle d’« aveux arrachés sous la torture », d’un Walid ayant « subi des sévices et des tortures physiques et moraux ».
“Walid a déclaré devant le juge d’instruction avoir subi des tortures et sévices, durant 12 jours, du 26 novembre au 2 décembre 2020, et ce n’est qu’à ce moment-là qu’il a été présenté devant le procureur qui a ordonné une poursuite et a confié l’enquête à un juge d’instruction », relate Me Smail. Le 2 décembre l’étudiant a été placé sous mandat à la prison d’El Harrach, ajoute-t-elle.
« C’est Me Nacera Haddouche, un autre membre du collectif de défense (composé d’une trentaine d’avocats), qui a déposé une plainte pour tortures. Walid a déclaré devant le juge d’instruction avoir subi des tortures et sévices, à la fois sur les plans physique et moral », relate Me Smail.
« Ses avocats qui lui ont rendu visite l’ont trouvé complètement amoché. Ils lui ont signifié qu’il ne devait pas parler devant le juge d’instruction sans la présence de sa défense. C’est alors que Walid leur a dit : « J’étais prêt à tout, pour peu qu’on ne me fasse pas remettre aux enquêteurs. Ce n’est qu’après avoir été entendu une seconde fois par le juge d’instruction que Walid s’est rétracté en disant (au juge) que : « Tout ce que j’ai dit (lors de la première audition) était faux puisque c’est ce qu’on m’a demandé de dire, j’avais peur ». Or, lui ne savait pas qu’une fois présenté par le juge d’instruction, il ne pouvait pas être remis aux policiers ».
Pour l’avocate « le dossier de Walid Nekiche est vide », et dans lequel « il n’y a pas de faits ». Pour Me Nabila Smail, le jeune étudiant « a besoin d’un suivi psychologique au vu des tortures qu’il a subies ».
« Ils l’ont détruit, déplore-t-elle. Il avait un regard complètement perdu, hagard. Absent. Il y avait un moment où (au cours des plaidoiries, lundi soir) on le regardait sans qu’il nous regarde. On plaidait tout en le désignant mais le bonhomme avait l’esprit ailleurs. Me Djerdjer qui a suivi l’affaire depuis le début a dit devant la juge : « Entre le Walid Nekiche que j’ai connu avant, en tant qu’étudiant et membre actif du Hirak, et Walid Nekiche que je vois aujourd’hui, c’est un homme transformé ». Moi je dirais un homme détruit ».
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« Pourquoi le ressortissant espagnol n’a pas été convoqué ? »
L’avocate Me Nabila Smail revient sur les liens de Walid Nekiche et un ressortissant espagnol et se demande pourquoi ce dernier n’a pas été convoqué. « Walid a été poursuivi pour complicité dans un complot, ce qui sous-entend que ce complot devait être préparé avec le ressortissant espagnol, avec qui l’étudiant s’était lié d’amitié sur les réseaux sociaux et qu’il a reçu en Algérie pour lui faire visiter quelques régions du pays. Or, cet Espagnol est un technicien administratif au consulat d’Espagne en Algérie. Ce sont les enquêteurs qui ont dévoilé son identité. Il leur a donc été facile de le retrouver. Pourquoi dans ce cas ne l’avoir pas amené ? Walid Nekiche est resté une année en prison, et pendant toute cette période on aurait pu diligenter une commission rogatoire pour ramener le ressortissant espagnol. On pouvait demander aux autorités espagnoles de l’extrader dès lors que l’affaire touchait à la souveraineté nationale », martèle l’avocate.
« Le délibéré de la juge de 6 mois de prison ferme était fondé sur le chef d’inculpation de distribution de tracts. Or, dans cette affaire il s’agit d’un journal intime que tenait Walid Nekkiche », estime-t-elle.
« Le Procureur a reproché à Walid d’avoir mentionné le nom de Ferhat Mehenni ce qui aurait prouvé qu’il était en contact avec ce responsable politique. Or, Ferhat Mehenni, dont le nom ne figurait nulle part dans les écrits incriminés, ne fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire qui aurait rendu tout contact avec lui un acte susceptible d’être condamné pour complicité », estime l’avocate Me Smail.