L’étudiant Walid Nekiche n’a pas été acquitté, il a écopé d’une peine de prison ferme, six mois, d’une autre avec sursis et d’une amende. Mais il quitte la prison après 14 mois derrière les barreaux et c’est le plus important pour ce jeune de 23 ans, ses parents, ses amis et tous ceux qui se sont solidarisés avec lui.
Sa libération a été accueillie avec beaucoup de soulagement dans toute l’Algérie, mais ce qui a été entendu pendant son procès devant le tribunal criminel d’Alger a choqué jusqu’au-delà des frontières du pays.
C’est tout l’État algérien qui s’en trouve interpellé pour que les actes révélés à l’audience ne se reproduisent plus. Il y va de sa crédibilité, de l’honneur de ses agents et de l’intégrité de ses citoyens qu’il a la charge et l’obligation de garantir.
Comment la vie de Walid a basculé
Arrêté en novembre 2019 au cours d’une des marches estudiantines du mardi qui se sont étalées sur plus d’une année, Walid, contrairement aux centaines d’autres manifestants du Hirak arrêtés depuis juin de la même année, se verra accusé de complot et autres faits graves, relevant du tribunal criminel.
Or, selon ses avocats, nombreux à plaider à l’audience, « il n’y a pas de faits », « le dossier était vide » et les accusations reposaient sur presque rien, sinon des aveux arrachés sous la contrainte. À l’audience, ce n’est pas cet euphémisme que les présents, avocats, journalistes ou simples citoyens, ont entendu, mais des mots désignant crûment ce que le jeune étudiant a subi pendant une semaine de garde à vue : « tortures et sévices physiques et moraux ».
« Nous lui avons posé la question pendant la plaidoirie, il a répondu qu’il a été torturé, humilié, porté atteinte à sa dignité », raconte l’avocate Nabila Smaïl.
Des faits d’une extrême gravité et, qu’ils aient eu lieu ou non, une enquête impartiale s’impose. S’il y a un coupable dans cette histoire, la loi doit être appliquée dans toute sa rigueur. Les accusations sont tout sauf banales et ne peuvent être accueillies avec le silence et l’indifférence.
Les péripéties de l’affaire Walid Nekkiche donnent froid dans le dos car elles révèlent aussi la facilité avec laquelle la vie d’un citoyen peut basculer, dans un État supposé être de droit.
Comment cela est-il possible ?
Walid, 23 ans, étudiant en océanographie, voit ses rêves brisés. « Ils l’ont détruit », dénoncent ses avocats.
En prenant part à une marche pacifique, comme l’ont fait des millions d’Algériens pendant plus d’une année, il se retrouve face à de lourdes accusations, encourt la peine capitale, voit le procureur lui réclamer la perpétuité, le tout « sans qu’il y ait de faits », selon ses avocats.
Et c’est le tribunal qui le reconnait aussi en ne retenant que le chef de « détention de tracts » pour lequel il a prononcé la peine de six mois de prison ferme.
Comment cela est-il possible dans un pays qui dispose de codes de procédures clairs, de lois limpides, d’institutions destinées à garantir les droits et les libertés de chacun et qui a signé des dizaines de conventions internationales ?
Un tel dysfonctionnement choque tout autant que les sévices dénoncés à la barre. Certes, le jeune étudiant a fini par retrouver la liberté, mais il a passé 14 mois derrière les barreaux et les conséquences risquent d’être irréversibles en ce sens qu’il n’est sûr de le voir se relever de la terrible épreuve qu’il a vécue.
Autre légèreté condamnable dans cette histoire, celle avec laquelle certains organes de presse se sont empressés d’envoyer à l’échafaud un jeune à peine sorti de l’adolescence sur la base, là encore, de rien. Les leçons de ce triste épisode doivent être retenues par tous.