Politique

Affaires de corruption : ce que Bairi, Mazouz et Larbaoui ont dit au juge, Haddad auditionné samedi

Le juge du tribunal de Sidi M’hamed a auditionné, jeudi, l’homme d’affaires Hassan Larbaoui, propriétaire de l’usine de montage de la marque KIA, au terme du deuxième jour du procès de plusieurs responsables, ex-cadres et hommes d’affaires accusés de corruption dans l’affaire du dossier de montage automobile.

M. Larbaoui a nié les charges retenues contre lui, notamment celles relatives à la dilapidation de deniers publics causant des pertes au Trésor public s’élevant à 29 milliards DA, selon le compte-rendu de l’agence officielle.

L’accusé est poursuivi pour bénéfice du pouvoir et de l’influence des agents de l’État concernant l’usine de montage automobile, et pour délit de modification des prix et de transfert de fonds issus de la criminalité.

En réponse aux questions du juge sur les objectifs escomptés à travers son projet de montage de voitures “KIA”, M. Larbaoui a affirmé que le véritable objectif était de développer le secteur automobile en Algérie en parvenant à la fabrication effective des véhicules, un projet qui devait offrir 5.000 postes d’emploi direct et créer quelque 1.000 entreprises de sous-traitance.

L’accusé affirme également s’être engagé devant le ministère de l’Industrie à lancer l’opération de fabrication en 2020 sans avoir à recourir à la devise, précisant qu’un tel projet nécessitait 16 milliards DA.

Interrogé par le juge s’il avait rencontré des difficultés concernant ce dossier, l’homme d’affaire, propriétaire de 12 sociétés, a précisé que “la pression nous a accompagné depuis le dépôt du dossier de ce projet au point où les Coréens (partenaire étranger) adressaient régulièrement des correspondances aux différents départements en vue d’accélérer les procédures d’accord de ce projet au mieux de l’économie nationale”.

L’homme d’affaires a reconnu être propriétaire de plusieurs biens, dont une villa à Hydra d’une valeur de 60 milliards de centimes, qu’il a acquis par crédit de la banque Gulf Bank Algeria, soulignant qu’il exerce le métier d’importation de véhicules en tant que concessionnaire agréé pour 7 marques et qu’il ne connaissait ni Youcef Yousfi ni Abdeslem Bouchouareb.

Appelé à la barre, le juge a auditionné l’ancien ministre de l’Industrie et des Mines, Mahdjoub Bedda qui a réitéré n’avoir aucune relation avec l’homme d’affaires Larbaoui qui l’a connu récemment, ajoutant que le poste qu’il a occupé pendant trois mois “ne lui a pas permis de connaître tous les responsables et les cadres du ministère” et que les dossiers relatifs aux décisions d’octroi “lui parviennent prêts et il procède uniquement à leur signature”.

Bairi nie avoir reçu des avantages et des exonérations fiscales

Plutôt, le juge a interrogé Mohamed Bairi, propriétaire de l’usine de montage de la marque Iveco. En réponse au chef d’accusation de dilapidation de 11.000 milliards de centimes dans le dossier du montage automobile, Bairi a déclaré “n’avoir jamais entendu parler de ce chiffre”, précisant “avoir tenu à installer une usine temporaire, employant 450 salariés, à Bouira en attendant l’acceptation de son dossier d’établissement d’une usine à Ouled Haddadj”.

Après avoir rappelé que son usine “avait sorti en l’espace de trois (3) ans 459 véhicules”, l’accusé a estimé “être un enfant du secteur” étant donné que sa famille active, depuis 1920, dans le commerce et les matériaux de construction.

Niant en bloc avoir reçu des avantages en rapport avec cette usine, l’homme d’affaires a dit qu’il aurait dû être le premier opérateur à obtenir un agrément car c’est son métier. “D’ailleurs, je m’interroge encore sur les raisons pour lesquelles je n’ai pas été inclus sur la liste des opérateurs agréés”, a-t-il ajouté.

Interrogé sur la concession à son profit d’un terrain en 2016, Bairi a rétorqué que ce terrain qu’il n’avait pas sollicité était “inadapté” et qu’il avait demandé plutôt un foncier dans la région d’Ouled Haddadj, lequel lui a été refusé.

“Je n’ai jamais sollicité l’ex-wali Zerhouni ni quiconque d’autre pour obtenir un terrain à Bouira ou à Boumerdes. J’ai déposé mon dossier en tant qu’investisseur mais je n’ai jamais demandé un terrain agricole”, a-t-il allégué.

Réagissant à cette accusation, il a déclaré “si j’avais su qu’investir dans mon pays pouvait me conduire en prison, je me serais abstenu”, ce à quoi le juge a rétorqué que “l’investissement est régi par des lois” bien précises. Et d’enchaîner en l’interrogeant sur les pertes occasionnées au Trésor publics de montants de 772 millions de DA et de 720 millions de DA en raison de la mauvaise exploitation de ce terrain.

Dans sa réponse, Bairi a soutenu qu’il n’avait pas “exigé” de lieu précis pour investir et qu’à ce jour, il n’avait pas reçu de permis de construire relatif à ce projet, reconnaissant néanmoins avoir pris connaissance de ces deux chiffres à travers une étude comparative réalisée par des parties qu’il n’a pas nommées.

Précisant avoir signé, le 5 mars 2018, le cahier de charges relatif à la réalisation de cette usine, il a affirmé n’avoir pas reçu, à ce jour, de réponse de l’Agence nationale de développement de l’investissement (ANDI).

Les déclarations de l’accusé ont été conformes à celles du témoin Brahimi Ghania, représentante de l’Inspection des impôts d’Alger-est, qui a fait savoir que M. Bairi “n’a jamais bénéficié d’avantages fiscaux”, ajoutant qu’il n’avait pas de dette fiscale et qu’il a toujours respecté ses engagements en la matière.

Demandant la parole, le prévenu a fait état de “dettes en suspens relatives aux projets de l’Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes (ANSEJ) et de la Caisse nationale d’assurance-chômage (CNAC) d’une valeur de 84 milliards de centimes”.

Rappelant qu’il exerce dans le domaine de l’importation depuis 30 années, il a tenu à préciser que 80% de ses biens déclarés proviennent de l’héritage familial.

Appelé en tant que témoin, l’ex wali de Boumerdes Yamina Zerhouni a fait savoir que le terrain de Boumerdes avait été transféré du temps de l’ancien wali et que Bairi avait été notifié de l’approbation.

Soulignant, à ce propos, que “le dossier Bairi a été traité au temps du wali qui m’a précédé”, elle a précisé qu’elle “avait donné la priorité aux dossiers approuvés, et que d’autres dossiers avaient été annulés après étude et vérification”.

“Le dossier Bairi m’avait été présenté par la directrice de l’industrie de la wilaya de Boumerdes, Mme Safia Belhout, oui monsieur le juge elle était présente et tout s’est passé en sa présence. Et Dans le souci de préserver le service public, j’ai du traité tous les dossiers en instance, par la validation ou le rejet pour non conformité au cahier de charges et à la loi”, a-t-elle déclaré.

Rétorquant à ces déclarations, la directrice de l’industrie de la wilaya de Boumerdes Safia Belhout a affirmé qu’elle n’était pas à son poste lors de l’examen du dossier Bairi par la Direction générale du domaine national, car elle était en formation en Chine, reconnaissant n’avoir pas pris connaissance du dossier mais qu’elle était membre de la commission qui avait validé le dossier du temps du wali ayant précédé Mme Zerhouni.

Ahmed Mazouz s’explique sur sa fortune colossale

La deuxième journée du procès avait été marquée par l’audition de l’homme d’affaires Ahmed Mazouz qui a répondu aux accusations portées contre lui concernant “les indus avantages accordés par l’ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et l’ex-ministre de l’Industrie, Youcef Yousfi, dans le cadre de son projet de montage automobile”.

Face à ces accusations, l’homme d’affaire a rejeté, en bloc, les charges qui lui sont reprochées, arguant que tous les projets dont il a bénéficié étaient conformes au cadre juridique.

Après avoir entendu ses déclarations, Mazouz a été confronté à Ouyahia et Yousfi. Au début, il a été question de l’infraction à la loi relevée dans l’attribution du projet de montage automobile à Mazouz, sans répondre à plusieurs conditions dont celle du partenaire étranger et le différend enregistré entre Ouyahia et Yousfi autour de cette condition, ainsi que son obtention d’indus avantages et de décisions techniques, basées sur des dossiers vides ayant entrainé d’importantes pertes au trésor public.

A ce propos, Ouyahia a expliqué que les décisions techniques émises dans le cadre de ce projet relevaient du ministère de l’Industrie et qu’il n’était pas habilité à intervenir, ajoutant qu’il avait émis seulement un avis sur la possibilité de supprimer la condition du partenaire étranger dans le domaine du montage automobile, niant, également, l’existence de tout différend avec Yousfi.

Yousfi a reconnu, par contre, l’existence d’un différend avec Ouyahia sur la question de la dispense de Mazouz de la condition du partenaire étranger en vue d’approuver le projet de montage automobile, précisant, en outre, que le ministère de l’Industrie “avait rejeté, au début, le projet de Mazouz, car ayant relevé plusieurs lacunes”.

En deuxième partie de l’interrogatoire, les questions adressées par le juge à l’homme d’affaires Mazouz, ont porté sur les financements occultes de la campagne électorale de l’ex-président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et la somme de 39 milliards de centimes qu’il aurait remise à l’homme d’affaires Ali Haddad, l’accusé a dit “ignorer les procédures légales en vigueur en matière de financement de la campagne électorale”, sans nier avoir donné cette somme.

Le juge a interrogé Mazouz sur un compte bancaire en son nom, dont le solde est de 493 milliards de centimes, le questionnant sur l’origine de ses fonds, ainsi que les nombreux biens immobiliers qu’il possède à Alger, M. Mazouz a répondu que sa fortune dépassait cette somme, une fortune amassée, selon lui, durant de longues années d’activité dans les domaines du commerce et des affaires.

Le procès de l’homme d’affaire, Ali Haddad, qui est poursuivi dans l’affaire de financement de la campagne électorale de l’ex-président de la République, Abdelaziz Bouteflika, devoir avoir lieu, samedi, après que son nom eut été cité par les accusés lors de l’audience d’aujourd’hui.

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