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Afrique de l’Ouest : le Sénégal sombre à son tour dans l’instabilité

Le Sénégal avait cette particularité d’être l’unique pays d’Afrique de l’Ouest et l’un des rares du continent à n’avoir jamais connu de coup d’État.

Le pays est néanmoins lui aussi rattrapé par les démons de l’instabilité après la décision prise, samedi 3 février, par le président Macky Sall de reporter sine die l’élection présidentielle prévue le 25 de ce mois.

Ce lundi 5 février, la capitale Dakar était en proie à de graves troubles. Le Parlement devait examiner le décret présidentiel reportant le scrutin et l’opposition a appelé à manifester. L’issue du vote est incertaine : la validation du décret nécessitant les trois cinquièmes des voix des 165 députés de l’assemblée.

Des heurts ont eu lieu devant le bâtiment du parlement, des interpellations ont été opérées par les gendarmes et l’accès à Internet a été coupé dans la capitale sénégalaise.

La veille, les autorités avaient bloqué le signal de la chaîne de télévision privée Walf TV, accusée d’incitation à la violence. Parmi les personnes interpellées, figure l’ancienne Première ministre, Aminata Touré, opposée au report de la présidentielle.

La décision de Macky Sall était complètement inattendue, à trois semaines de la tenue du scrutin et à la veille du lancement de la campagne électorale.

Le président Sall, élu en 2012 et réélu en 2019, n’était pas candidat à sa propre succession et a assuré qu’il ne le sera pas pour la nouvelle élection qui devrait se tenir dans un délai de six mois.

Dans son annonce, il a promis d’engager un « dialogue national » afin de réunir les conditions pour l’organisation d’une élection « libre, transparente et inclusive ».

À l’origine de la crise, le rejet par le Conseil constitutionnel des candidatures de plusieurs opposants, dont celle de Karim Wade, le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade.

C’est le parti de Wade, le PDS (Parti démocratique sénégalais), qui a introduit une demande de report du scrutin au parlement. Contre toute attente, la demande a été largement soutenue par les députés du camp présidentiel.

Instabilité en Afrique de l’Ouest : le Sénégal au bord de l’explosion

Le Parlement a approuvé, mercredi 31 janvier, la mise en place d’une commission d’enquête sur les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel a étudié les candidatures.

Les observateurs soupçonnent le camp présidentiel d’être à la manœuvre afin de justifier le report du scrutin, son candidat, le Premier ministre Amadou Bâ, contesté jusque dans son propre camp, n’étant crédité que de faibles chances de gagner.

Il s’agit d’un « coup d’État institutionnel », a dénoncé le candidat Khalifa Sall, ancien maire de Dakar, appelant à dresser des barricades contre la « monarchisation » du pays.

Aliou Mamadou Dia, un autre candidat, a appelé de son côté à « la mobilisation totale et générale de l’ensemble du peuple sénégalais », tandis que la candidate Anta Babacar Ngom a fustigé un « hold-up électoral ».

À l’étranger aussi, la décision de Macky Sall a suscité l’inquiétude et la préoccupation, notamment des États-Unis, de la France, de l’Union européenne et de la CEDEAO (communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest).

Cette dernière organisation a vu la semaine dernière le retrait de trois de ses membres fondateurs, le Mali, le Niger et le Burkina Faso, à cause des sanctions qu’elle leur a imposées suite à des changements de gouvernement survenus par des voies non-constitutionnelles. La région a enregistré ces deux dernières années huit coups d’État ou tentatives de coups d’État.

En deux ans, la CEDEAO, dont le Sénégal est membre, a procédé à la suspension de quatre pays pour les mêmes raisons, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et la Guinée.

L’été dernier, elle avait envisagé d’intervenir militairement au Niger pour rétablir au pouvoir le président Mohamed Bazoum, destitué par un putsch fin juillet. L’option a été écartée à la dernière minute.

Avec les événements en cours au Sénégal, c’est l’un des plus grands pays et l’un des plus stables de la région qui risque de faire lui aussi un saut dans l’inconnu.

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