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Ahed Tamimi, boucle d’or au poing levé

Ahed Tamimi, boucle d’or au poing levé

Avec ses cheveux blonds et ses yeux clairs, Ahed Tamimi a tendance à détonner dans les rues de Nabi Saleh, son petit village de six cents habitants situé au nord-ouest de Ramallah, en Cisjordanie, un territoire occupé depuis plus de cinquante ans par Israël.

« Si Ahed avait été brune et voilée, elle n’aurait pas reçu la même empathie de la part des médias internationaux », confie au journal Le Monde la psychiatre palestinienne Samah Jabr, bien consciente que la jeunesse de l’adolescente et sa peau laiteuse jouent en sa faveur.

Mais à vrai dire, Ahed Tamimi partage plus de points communs avec les figures révolutionnaires de ce monde qu’avec la poupée Barbie.

Car à 17 ans, la jeune femme fait déjà figure d’icône de la révolte palestinienne, elle qui vient d’être condamnée à huit de mois prison par la justice israélienne après avoir accepté de plaider coupable, n’ayant de toute façon pas les moyens de se défendre dans un procès qui aurait été tout, sauf « équitable », dénonçait Me Gaby Lasky, son avocate.

Une promotion sur la Toile

Israël a donc décidé d’infliger de longs mois derrière les barreaux à la jeune résistante pour s’en être pris à un soldat israélien le 15 décembre dernier, tandis que peu de temps avant, son cousin Mohammed – aujourd’hui défiguré –, avait eu la boîte crânienne fracassée par une balle en caoutchouc.

La scène n’aurait jamais connu un tel retentissement si elle n’avait pas été filmée par la mère d’Ahed – condamnée à la même peine de prison que sa fille pour ça – puis partagée sur les réseaux sociaux. Selon un sondage publié mardi 20 mars par le Palestinian Center for Policy and Survey (PSR), 92 % des personnes interrogées disent connaître l’adolescente, quant 64 % l’érigent en modèle, relate Le Monde.

« La caméra fait partie de notre lutte, elle rétablit la vérité. La diffusion de nos films sur les réseaux sociaux permet de contrer les médias conventionnels qui fournissent une image biaisée de la situation », explique au journal son père, Bassem Tamimi. L’homme, qui fait partie de l’ancienne génération ayant lutté contre l’occupation, avait longtemps été favorable à la solution de deux États, explique le quotidien français, avant d’avoir changé son fusil d’épaule. « Les Israéliens gagnent du temps. Leur plan, c’est le grand Israël, de la mer au Jourdain », déclare-t-il.

Tout comme la blondeur et l’esprit contestataire d’Ahed, le clan Tamimi a bien compris que les réseaux sociaux pourraient jouer à leur avantage. Alors quitte à se rebeller, autant le faire savoir. Une page Facebook, une chaîne You Tube ou des comptes Twitter ont été créés pour promouvoir la lutte de leur jeune protégée.

« Ahed n’a pas giflé un individu, mais un uniforme »

En 2012, l’adolescente, alors âgée de 11 ans, était déjà prise en vidéo en train d’invectiver un soldat israélien, brandissant son poing. Un fait d’armes qui a fait le tour de la planète et qui lui a valu d’être reçu par Recep Tayyip Erdogan, Premier ministre turc à l’époque. Puis, trois ans plus tard, Ahed faisait à nouveau parler d’elle sur des clichés où on l’aperçoit, en compagnie d’autres femmes, essayer de faire lâcher prise à un soldat plaquant contre un rocher son petit frère Salam, le bras dans le plâtre.

 « On était conscients de l’importance de ces réseaux sociaux pour toucher la jeunesse, pour planter des graines en eux et susciter un questionnement, commente Manal, la tante d’Ahed. Les vidéos changent le regard des gens. Ils ont vu grandir Ahed », poursuit-elle, toujours cité par Le Monde.

En conflit avec la colonie voisine d’Halamish, qui puise dans la source d’eau de Nabi Saleh, les villageois avaient instauré à partir de 2009 et chaque vendredi, une marche pacifique afin de dénoncer l’occupation. Des manifestations où Ahed Tamimi figurait toujours en tête de cortège et dont la confrontation avec l’armée israélienne tournait souvent au vinaigre.

Désormais, Ahed Tamimi devra affronter l’enfermement dans l’ombre des geôles israéliennes. C’en est une, d’épreuve, surtout lorsque l’on a 17 ans. Mais cela ne risque sans doute pas d’attiédir l’esprit contestataire de la jeune pasionaria. Sinon, au contraire, d’enhardir son combat. Car l’adolescente n’a connu que ça, le combat.

« Ce n’est pas à elle et à sa génération de gifler ce soldat. Je me sens coupable, mais j’espère qu’ils réussiront. Ahed n’a pas giflé un individu, mais un uniforme. Je hais ce régime, ce système, la colonisation », souffle son père qui, en même temps que ses yeux verts, a transmis à sa fille, la seule d’une fratrie de quatre enfants, les gènes de la révolte.

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