Avouons-le, sa blondeur autant que ses yeux bleus jouent pour elle. Les images d’Ahed Tamimi, jeune militante palestinienne, ont fait le tour des réseaux sociaux lorsque, le 15 décembre dernier, elle assénait coups de pied et de poing à un soldat israélien, à Nabi Saleh, en Cisjordanie occupée.
Dès lors, la Toile a porté aux nues l’adolescente de 17 ans qui semble être devenue l’incarnation de la résistance de toute une nation face à l’occupant.
Son incartade tranche évidemment avec l’artillerie du soldat. Impossible alors de ne pas penser à ce cliché publié des années auparavant, durant la première intifada, dévoilant ce jeune garçon jetant un simple caillou sur un char d’assaut israélien.
En revanche, la vidéo ne montre pas les violences qui ont eu lieu ce jour-là. Jour durant lequel des manifestations engagées contre la décision américaine de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël ont causé huit morts palestiniens et des dizaines de blessés. Selon les explications de Bassem Tamimi, le père d’Ahed – un militant de la première heure -, la vidéo a été filmée après que sa maison a été la cible de gaz lacrymogènes.
Jusqu’à sept ans de prison
Quatre jours après avoir été filmée en train de molester ce soldat, Ahed Tamimi, blouson kaki sur le dos et crinière échevelée, se faisait passer les menottes par l’armée israélienne et comparaissait le lendemain, le 20 décembre, devant le tribunal militaire d’Ofer.
Malgré son jeune âge, la jeune fille est une activiste régulière et compte déjà plusieurs faits d’armes à son actif. En 2012, une vidéo d’elle brandissant le poing sous le nez de soldats israéliens affolait une première fois la Toile, et Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre turc, recevait la jeune Palestinienne.
Trois ans plus tard, d’autres clichés la montrent aux côtés de femmes essayant de repousser un soldat plaquant contre un rocher son petit frère Salam, le bras dans le plâtre.
Jamais jusqu’alors Ahed Tamimi ne s’était fait arrêter. Mais cette fois, la militante risque jusqu’à sept ans de prison. Alors que douze chefs d’inculpations ont été retenus à son encontre, l’ado a notamment été poursuivie pour « avoir agressé des forces de sécurité, lancé des pierres, avoir proféré des menaces et avoir participé à des émeutes » selon un communiqué de l’armée.
L’avocate de la jeune militante a plaidé pour son placement en résidence surveillée, avançant qu’Israël enfreignait la convention des droits de l’enfant, qui estime que la détention d’un enfant est une mesure devant intervenir en « dernier ressort » et de manière aussi « brève que possible ».
Amnesty International a également manifesté en faveur d’Ahed Tamimi. Dans un communiqué, l’organisation a dénoncé « le traitement discriminatoire de la part des autorités israéliennes à l’égard d’enfants palestiniens qui osent résister à la répression, souvent brutale, exercée par les forces d’occupation ».
Lundi 15 janvier, le tribunal militaire a prolongé de deux jours la détention de la jeune inculpée et doit se prononcer ce mercredi sur son emprisonnement ou non jusqu’à son procès.
Côté israélien, l’affaire a suscité la colère d’une partie de la société qui a reproché la passivité des soldats, tandis que le ministre de l’Éducation Naftali Benett a souhaité que la jeune révoltée « finisse ses jours en prison. »
Une réaction disproportionnée certainement guidée par la rancœur encore présente chez une partie de la population, qui désapprouve l’emprisonnement d’un soldat israélien par l’état-major militaire. Ce soldat, qui avait achevé un Palestinien grièvement blessé et à terre, s’est toutefois vu réduire sa peine de quatre mois après avoir été condamné à 18 mois de prison.
Pour les pro-Israéliens, cela relève d’une sournoise stratégie de manipulation. Ils accusent la jeune fille et sa famille de se mettre en scène afin de susciter l’émoi et de faire de la propagande anti-israélienne sur Internet. Ce à quoi Bassem Tamimi rétorque : « Ahed n’a jamais voulu être une icône, mais la situation l’a amenée à le devenir. La résistance n’est pas un choix, c’est une responsabilité. »
Ce mercredi 17 janvier, le tribunal militaire a décidé de maintenir la jeune fille en détention, jusqu’à son procès.