Ahmed Ouyahia, secrétaire général du RND, a réfuté le lien fait entre le phénomène des Harragas et « la corruption des responsables » en Algérie.
« Quelle relation existe-t-il entre la situation du pays et des jeunes qui vont vers la harga? N’ont-ils pas trouvé de travail ? Quand ils vont traverser que trouveront-ils ailleurs ? 90 % des harragas qui arrivent vivants et qui passent par les mailles du filet de la police espagnole ou italienne, vont récolter les oranges ou les tomates », a-t-il déclaré, ce samedi 2 février, lors de la conférence de presse au siège du RND, à Alger.
Ahmed Ouyahia a invité la presse à mener des enquêtes sur le manque de main d’œuvre dans plusieurs secteurs en Algérie. « Le manque n’est pas uniquement dans la récolte d’orange (agriculture) mais également dans les usines. Alors, je me pose la question : ces jeunes ont-ils une autre vision de la vie ? Une vision de leur génération. La sortie du pays n’est pas un monopole de l’Algérie. Un grand pays, la France, souffre d’une saignée de ses jeunes et de ses élites. 300.000 le quittent annuellement », a-t-il souligné.
Le chef du RND a dénoncé l’existence de réseaux criminels derrière le phénomène de la harga. « Il y a cinq ou six sites électroniques qui, pour faire mal au pouvoir, font la promotion de la harga en évoquant la réduction des tarifs des embarcations. Il y a même un grand opérateur de téléphonie mobile qui, curieusement, a mis en vente une puce appelée El harba (l’escapade). Cela nous mène à penser qu’il existe un marchandage et une manœuvre politique odieuse autour des âmes des enfants de l’Algérie. C’est regrettable. L’État tente de lutter contre cela à travers des mesures de contrôle, des mesures légales et à travers la création de nouvelles opportunités d’emploi », a précisé Ahmed Ouyahia. Il a qualifié le sujet de douloureux et dit partager le deuil des familles qui ont perdu leurs proches en mer.
« L’Algérie est un géant qui ne s’est pas encore réveillé »
Abordant la situation économique du pays, Ahmed Ouyahia a rappelé avoir averti, en 2017, que l’État ne pouvait pas assurer le salaire des fonctionnaires en raison des difficultés budgétaires.
« Ils ont dit alors qu’Ouyahia faisait peur aux gens. Ils ont dit aussi que l’inflation sera à quatre chiffres (après le recours à la création monétaire). Aujourd’hui, le taux d’inflation est de 4 à 5 %. Le même taux que par le passé. Les chiffres de l’ONS et du FMI en témoignent. Dans les années 1980, l’Algérie avait connu la même situation qu’en 2014, mais contrairement à cette époque, la construction du pays continue aujourd’hui. À la fin 2018, le taux de croissance était de 3,5 %. La même année, nous avons distribué 300.000 logements. Nous devons donner à l’Algérie la chance d’utiliser toutes ses capacités. L’Algérie est un géant qui ne s’est pas encore réveillé », a-t-il soutenu.
Selon lui, l’Algérie a évité d’être étouffée par la crise en créant le fonds de régulation des recettes et en recourant à l’emprunt intérieur. « La crise est salutaire. Elle porte un vent qui fera avancer le bateau Algérie en plus de ce que fera le moteur de la gouvernance du président Bouteflika. Des circonstances qui vont obliger les gens à aller de l’avant. Il y a quelques années, si un responsable décidait de la réduction des importations, on l’aurait pendu en l’accusant de vouloir affamer le peuple. Aujourd’hui, les gens l’acceptent parce qu’ils savent qu’il faut préserver les réserves de changes. Si vous réduisez les importations, vous offrez un marché plus large au produit national », a-t-il analysé. D’après ses dires, la rente pétrolière a « fait des petits » en Algérie.
« Le souk du populisme n’aura pas lieu »
Le secteur agricole a, selon Ahmed Ouyahia, profité d’énormes soutiens depuis l’arrivée du président Bouteflika en 1999, après avoir été libéré dans les années 1980. « Il a atteint aujourd’hui, un seuil avancé en matière de production. Il y a encore du retard dans le blé et les laitages, mais les gens se bousculent pour pouvoir exporter, parce que le marché local est plein. Il ne leur suffit plus. Ils n’arrivent plus à écouler leurs marchandises au point de jeter des agrumes à Boufarik (marché de gros). Certains créneaux industriels sont dans la même situation, comme pour le ciment, l’électroménager et bientôt le fer », a-t-il noté.
À l’approche de l’élection présidentielle d’avril 2019, le gouvernement ne fera pas de concessions. « Le souk du populisme n’aura pas lieu à la faveur de l’élection. Vous n’aurez pas l’occasion d’écrire dans le futur que « le gouvernement s’est plié », expression que je lis souvent dans la presse. Le pays a des capacités mais a des problèmes financiers, le dialogue social reste ouvert », a-t-il dit.