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Aïd 2025 en Algérie : quel coût pour importer un million de moutons ?

Aïd 2025 en Algérie : quel coût pour importer un million de moutons ?

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Moutons

L’Algérie a décidé d’importer jusqu’à un million de moutons pour le sacrifice de l’Aïd-el-Adha 2025. Le coût de cette opération pourrait atteindre 260 millions de dollars, selon un expert en économie agricole

Pour les services concernés, il s’agit de trouver des moutons « sains, vaccinés, âgés d’au moins 6 mois et pesant 40 à 45 kg/carcasse », selon Lotfi Gharnaout, un enseignant-chercheur en économie agricole de l’université de Toulouse. Un cahier des charges exigeant.

Selon cet expert cité par le quotidien El Moudjahid, « aucun pays ne peut fournir seul un million de têtes, surtout avec une demande mondiale accrue autour de l’Aïd-el-Kebir ».

Importation de moutons pour l’Aïd-el-Adha 2025 en Algérie : quels pays fournisseurs ?

Une importation qui, selon lui, devrait concerner plusieurs pays. Sur les rangs, cet universitaire énumère différents pays dont la Roumanie et l’Espagne, qui disposent d’une « logistique rapide et des normes sanitaires fiables ».

Il faut également compter avec l’Irlande, le Royaume-Uni, l’Argentine, le Brésil et l’Australie. Ces trois derniers pays présentent des prix attractifs, cependant « ils sont désavantagés par leur distance, qui alourdit les frais de transport » fait remarquer Lotfi Gharmout.

Quant au Soudan, malgré ses larges ressources, l’instabilité actuelle que connaît ce pays, qui est plongé dans la guerre civile, rend les exportations de moutons peu probables.

Les discussions vont bon train concernant la Roumanie, un pays auprès duquel l’Algérie a eu l’occasion d’importer 30 000 moutons en 2024. La commande pourrait compter 300.000 têtes selon l’agence de presse roumaine ACTMedia qui cite l’Autorité nationale de santé vétérinaire pour la sécurité alimentaire de Roumanie (ANSVSA). Selon la même source, l’ambassadeur d’Algérie en Roumanie aurait rencontré le directeur de l’ANSVSA.

À l’international, le mouton espagnol est particulièrement prisé. Mohamed Toumi, de la société Rahma MEAT importatrice de viande rouge, a confié à Ennahar Online que le prix des moutons espagnols est de l’ordre de 5,50 euros le kilogramme. Aussi pour ce professionnel, un mouton de 40 à 50 kilos « peut atteindre 275 euros » hors frais de transport maritime.

Quel coût pour l’Algérie ?

Pour sa part, Lotfi Gharnaout estime que le prix « d’un mouton vivant oscille entre 4 et 8 dollars/kg selon les pays ».

En prenant un poids compris entre de 40 à 45 kilos et au prix moyen de 5 dollars/kg, il estime que « le coût par mouton s’élèverait à environ 200 à 225 dollars ». Une opération d’import qui « pourrait atteindre 230 à 260 millions de dollars », en comptant frais de transport et taxes diverses.

Cet universitaire estime la demande en Algérie pour l’Aid-el-Adha à plus de 4 millions de moutons. Une demande à laquelle le cheptel local ne peut entièrement répondre.

Aussi, voit-il l’importation comme un moyen de « pallier un déficit manifeste et contenir une flambée des prix » même si le chiffre d’un million de moutons « ne représente qu’un quart de la demande minimale ». Pour l’enseignant-chercheur, cette mesure doit être considérée comme « un tremplin vers une réforme ambitieuse, et non une solution isolée ».

Si par nature la viande de mouton est grasse, le mode d’élevage en cours en Algérie y contribue. Un gras composé en moyenne d’un tiers d’acides gras saturés qui ont « tendance à favoriser les dépôts de cholestérol dans les artères et à augmenter les risques de maladies cardiovasculaires » selon le Vidal.

Les moutons sont principalement engraissés à partir d’orge car les fourrages verts manquent cruellement en Algérie. Or, ce sont ces fourrages qui apportent de l’azote. Dans ces conditions, l’animal stocke l’énergie apportée par l’orge sous forme de graisse.

La profession ne dispose pas comme en Europe de classification des carcasses. Une grille d’évaluation qui est basée sur 2 critères principaux : la conformation musculaire du mouton (réduite ou massive) et son niveau d’engraissement (viande très grasse à très maigre). Ce classement est obligatoire et les carcasses sont marquées à l’encre alimentaire par un salarié agréé de l’abattoir.

En Algérie, l’arrêté du 15 juillet 1996 fixe les caractéristiques et modalités d’apposition des estampilles des viandes de boucherie. Mais son article 6 concerne un « estampillage sanitaire ».

À aucun moment une classification de la qualité des carcasses n’est évoquée. Cependant, éleveurs et maquignons savent évaluer l’état de la musculature des animaux à l’image de ce geste qu’on peut les voir pratiquer dans les marchés aux bestiaux et qui consiste à palper les lombaires des animaux.

Face à la faiblesse du cheptel local, Lotfi Ghernaout suggère de « mettre en place une stratégie ambitieuse mais réalisable, centrée sur la régénération du cheptel et la modernisation de la filière ovine ». Cela à travers l’importation d’agnelles pour le renouvellement du cheptel.

Le problème est que ces agnelles risquent d’être peu adaptées au mode d’élevage en Algérie.

En effet, celui-ci est essentiellement composé de races rustiques de parcours aptes à la marche. Des animaux qui ont l’habitude de se déplacer à la recherche de l’aliment. Revers de la médaille : « une faible prolificité des brebis et une croissance modeste de leurs agneaux » comme le souligne l’expert maghrébin Moussa El Fadili en 2008.

Celui-ci a testé la pratique du croisement industriel ou « croisement terminal ». Pour cela, il a croisé des brebis de races locales avec des béliers importés de race Mérinos, Ile de France, Suffolk ou Lacaune.

Résultat : « une amélioration importante de la productivité de la brebis, et de la croissance et de la qualité de carcasse des agneaux ». Afin d’éviter tout mélange ultérieur avec les races locales, une fois suffisamment engraissés, ces agneaux sont systématiquement dirigés vers l’abattoir. D’où le terme de croisement terminal. 

Une stratégie qui peut accompagner, comme le propose Fodil Gharnaout, un développement « des centres de reproduction modernes, exclusivement gérés et contrôlés par l’État, garantiront une amélioration génétique ».

Quel avenir pour l’élevage ovin en Algérie ?

Enfin, cet expert aborde la question de la production de fourrages et s’inquiète que la steppe algérienne soit dans un état dégradé sur « plus de 70 % de ses 22 millions d’hectares ».

Des parcours qui offrent en moyenne 270 unités fourragères UF par hectare, ou l’équivalent de 270 kg d’orge quand un hectare d’orge en vert produit plus de 1 800 UF.

Cela est le cas à chaque fois que les épandages de crues d’oued, tels ceux initiés par le Haut Commissariat au Développement de la Steppe, permettent d’irriguer les parcours steppiques.

Quant à la flore spontanée des jachères pâturées des zones céréalières, elle apporte 325 UF quand, comme en Nouvelle Zélande, l’apport d’engrais pourrait tripler leur valeur.

En matière de santé animale, Lotfi Gharmout suggère « une production locale de vaccins atteignant 50 % d’ici 2030 ».

L’ensemble des mesures proposées l’amène à des prévisions d’un cheptel qui « pourrait atteindre 30 millions en 2027, puis 38 millions à l’horizon 2030-2032 ». Une approche qui « pourrait servir à transformer une dépendance passagère en une souveraineté alimentaire durable ». Une estimation ambitieuse à tempérer face à l’actuelle concurrence d’usage et en eau que connaît la steppe entre élevage, arboriculture et maraîchage.

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